Cahier de Lucien Dodin père, page 30

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encouragements à nos efforts - Edmond Robert - rien sorti de bon des élections - suffire à nos efforts - Je bois à l’union des républicains

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Discours du 18 mai 1890 (brouillon)

Monsieur le Préfet,

messieurs,

Permettez-moi, au nom de la population de notre petite ville si dévouée aux institutions républicaines de vous remercier (à mon tour) de l’empressement que vous avez mis à répondre à l’appel des organisateurs de cette fête municipale.

Challans a mauvais renom ; cette citadelle maraîchine ne passe point aux alentours pour être la citadelle de la liberté. Cependant, vous êtes accouru et vous n’avez pas cru faire preuve d’un grand courage . Vous avez voulu, en nous donnant une marque d’estime, apporter encouragements à nos efforts.

L’organisation de ces fêtes annuelles remonte à deux ans à peine. Les premières, à St Jean de Monts, à Beauvoir, à St Gilles, favorisées par le Soleil et par un accueil des plus enthousiaste et des plus bienveillants ont eu une brillante réussite ; celle-ci, espérons-le, ne sera pas la dernière : puissent-elles laisser derrière elles un peu de leur harmonie ! Nous le devons aux jeunes gens, c’est à eux de nous dire si leur effet doit être durable.

Il est impossible, et monsieur le Préfet nous le pardonnera, de parler de ces fêtes assises sur des idées libérales dans notre région, sans rappeler le souvenir de l’ancien administrateur de notre département, de monsieur Edmond Robert.

A Saint Jean de Monts, en face de l’immensité des flots, sa parole éloquente nous disait, il vous en souvient, en voyant disparaître à l’horizon certains nuages opalescents : "le blanc laisse place au bleu", et bien, ce qui n’était alors qu’une poétique image est devenu une réalité. Nous marchons vers des succès futurs et prochains. Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir.

L’avenir appartient, dit-on, aux plus sages, voilà pourquoi nous constatons cette marche en avant de l’esprit public. Nous n’avons jamais cessé de prêcher la concorde – réclamer sa part de responsabilités dans la discussion des affaires communales, est-ce cesser d’être conciliant ? - nous continuerons, car la République est devenue la République des paysans – on la dit agressive, cette République : vous ne séjournerez pas longtemps en Vendée, monsieur le Préfet, avant d’en connaître les oppresseurs.

Vous ne rencontrerez pas dans la masse électorale de ce pays, en dehors du besoin de stabilité gouvernementale qui rassure l’épargne, de préférence politique bien marquée ; cela s’explique aisément où il y a abondance d’éléments d’appréciation contradictoires.

L’importance du vote comme expression de la pensée n’a pas été l’objet de réflexions bien profondes. L’expérience du passé, les renseignements précis nécessaires à l’étude des faits, en un mot les enseignements de l’histoire manquent à la plupart de nos paysans pour avoir la conscience nette de l’effort nécessaire à la sauvegarde de leur indépendance et de leur liberté. L’abstention, cette torpeur du suffrage universel, serait souvent, s’il leur était permis d’agir selon leur gré, la façon de manifester leurs préférences ou leur embarras. "Il n’est jamais, disent-ils, rien sorti de bon des élections". C’est une erreur, mais il faut bien l’avouer, on ne saurait récolter du froment si on a semé du seigle.

Malgré ce scepticisme et cette indifférence nous sommes accoutumés à tout attendre de nos assemblées élues ou du pouvoir dont vous êtes le représentant autorisé.

Or nous avons besoin, pour travailler, pour vendre nos récoltes, pour faire nos affaires, non seulement de paix, mais d’un gouvernement toujours prêt à faire respecter par tous nos libres institutions ; sachant démontrer aux plus incrédules qu’il est assuré du lendemain. Sans stabilité, il ne saurait y avoir en toutes choses que l’incertitude la plus absolue, et cette incertitude savamment entretenue par les pêcheurs en eau trouble, ne saurait nous suffire.

Nous sommes, je le sais, assurés de votre dévouement aux intérêts de notre département. Dans la période que nous traversons, période de gestation démocratique, vous aurez à vous rendre compte de ce qu’il vous sera possible de faire pour l’émancipation du métayer, du petit fermier et de l’ouvrier des moindres communes. L’abaissement considérable du prix de la journée de travail ne permet plus aujourd’hui à la population de nombreux journaliers de nourrir leur famille. Vous aurez à vous demander si vous ne pouvez rien pour assurer à ces humbles le travail rémunérateur et le pain quotidien.

Vous serez notre interprète auprès des pouvoirs publics pour les éclairer et les engager à hâter dans les plus brefs délais possibles le vote de cette loi si impatiemment attendue dont le but est d’organiser l’assistance en faveur des pauvres de nos campagnes.

Nous vous aiderons dans l’accomplissement de votre mission, dans la mesure de nos forces.

Vous nous trouverez aujourd’hui, sans l’ombre d’une organisation quelconque, non seulement pour la lutte, mais même simplement pour nous défendre ; nous comblerons cette lacune.

Vous devez marcher en avant, mais nous ne devons pas nous tenir trop loin en arrière.

Il nous manque un comité républicain, nous le formerons tout à l’heure, et nous inscrirons dans nos premières listes tous les souscripteurs à ce banquet.

Prenant comme base le terrain républicain, comme but le développement des idées libérales, nous aurons bientôt à enregistrer des succès dont nous aurons le droit d’être fiers, puisqu’ils n’auront rien coûtés à personne.

Point n’est besoin de démolir la maison pour être convenablement logés, améliorer sans détruire.

Ce comité, comité d’union libérale ne devra pas se borner à faire de la politique, dans ce que ce terme a d’étroit et d’aride, nos intentions aurons plus d’étendue : ne nous désintéressons de rien de ce qui peut être utile à tous. Travaillons.

Nous n’avons aucune responsabilité dans la direction des choses politiques, encore peu d’actions sur elles, aussi ne nous séparons jamais des idées de charité, de modération et de concorde.

Que l’agriculture s’habitue à trouver en nous des défenseurs, des conseillers dévoués et désintéressés.

Organisons, et donnons le développement nécessaire aux sociétés d’assistance et de bienfaisance, aux sociétés de secours mutuels ; aux sociétés d’assurance mutuelle contre la mortalité des bestiaux, dont le promoteur en Vendée fut note ami Laussier (?) ; aux syndicats agricoles communaux, et d’une façon générale, à tout ce qui peut assurer le bien-être et la prospérité des travailleurs.

Pourquoi nos amis du littoral n’essaieraient-ils pas de sauver certaines industries dont la disparition, si on n’y prends pas garde semble prochaine ?

Ce modeste programme ma paraît pratique et peut pendant plusieurs années suffire à nos efforts.

D’ailleurs le champ dévolu à notre initiative est vaste ; tout reste à faire, puisque les conseils élus se cantonnent dans une agitation stérile, sans portée comme sans avenir.

Notre terre est fertile, notre population honnête, laborieuse, économe. Cultivons notre sol, apprenons à l’aimer fuyons les questions qui divisent : unissons nous sur le terrain commun des intérêts.

Et s’il appartient au gouvernement d’empêcher l’opposition de nuire à la grandeur et à l’unité de la Patrie, profitons des libertés conquises, faisons notre pays de jour en jour plus prospère.

Peut-être ne serons nous pas victorieux ; qu’importe ! Nous avons du moins la certitude, en étant utiles à nos concitoyens d’avoir fait tout notre devoir.

Monsieur le Préfet

Je ne sais si vous vivrez de longs jours parmi nous ; nous avons perdu l’habitude de retrouver longtemps les mêmes visages à la place que vous occupez et vos éminents prédécesseurs n’ont pas fait un long séjour à la Roche sur Yon. Nous l’avons déploré bien des fois.

Il y eu toujours communion d’idées entre ceux qui composaient le parti républicain – nous ne sommes plus aujourd’hui un parti – et les Préfets républicains de la Vendée. Ils ne nous ont jamais refusé ni leur concours ni leur appui. Cette union subsiste entière, aujourd’hui comme alors, je suis heureux de le constater.

Je bois à l’union des républicains de nos cantons et du protectorat de Vendée

Challans, le 18 mai 1890

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