Cahier de Lucien Dodin père, page 06
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Élections et communion - Des élections municipales politiques - Guider les foules décrépites - instituteurs déambulateurs - certificat d'études
Le Petit Ouest vendredi 16 mai 1884
On nous écrit de Vendée
Monsieur le Directeur:
Il n'est pas trop tard pour parler d'élections municipales. Ces élections, dont le résultat a surpris quelques uns de nos amis, bien qu'elles n'aient rien changé a la situation électorale, nous ont causé à nous une joie profonde. Nous remarquerez que la lutte a été fort vive dans toutes les localités de notre bocage et de notre marais Vendéen, bien que nous n'ayons pas fait de propagande. Tous les électeurs qui sont dans la main des prêtres ont voté. C'était au lendemain des confessions pascales, et plus d'un a eu pour pénitence l'obligation de voter et de faire voter pour les bons. Les premières communions des enfants sont prochaines, et vous savez que lorsque papa est un pataud, bébé ne communie pas et maman n'est pas contente.
Envisageons les causes de notre faiblesse. Nous ne savons pas nous organiser en vue des élections, la vie publique ne sourit guère à un grand nombre, on à quelque peine à tirer de sa poche le sou qui fait les élections: on aime trop sa tranquillité, la fortune ne vient-elle pas en dormant? On n'aime pas a être attaqué par les messieurs prêtres et par les journalistes cléricaux qui ne nous ménagent guère. Certains craignent de se compromettre, expression dont je n'ai pas compris le sens et que je vous livre au prix coûtant. Nous avons en outre à lutter contre toutes les administrations de l'État, lutte, vous l'avouerez, bien faite pour attirer les paysans vers la République.
Je vous disais que j'étais heureux du résultat des élections dernières, voici pourquoi. Il y a eu dans notre Vendée deux listes en présence.
1 La liste républicaine, franchement anticléricale; 2° la liste cléricale et monarchique, catholique, ainsi qu'on la nomme dans certaines communes, où c'est le clergé qui a composé la liste et la fait élire. Eh bien, monsieur le rédacteur, n'oubliez pas que c'est la première fois qu'en Vendée une élection est faite sur des questions de principes de cette importance. Il n'y a pas eu là de question de personnes. On a vu, en effet, des localités dans lesquelles certains hommes qui avaient, pendant une longue vie, rendus des services sans nombre à leurs concitoyens, sont arrivés non élus en tête de la liste républicaine, précédant d'une cinquantaine de voix seulement des républicains inconnus la veille, et ces mêmes hommes comptaient cent voix de moins qu'un garçon d'écurie porté sur la liste cléricale.
La question a donc été nettement posée, c'est bien pour la République ou pour le gouvernement des curés qu'on a voté. C'est un progrès énorme sur les élections antérieures dans lesquelles on avait voté pour MM. X. et Y. Je vois avec bonheur les électeurs se dégager de ces malheureuses questions personnelles. Comptez le nombre de voix que nous avons obtenues, voix toutes républicaines et anti-cléricales, voix qui ne nous abandonneront jamais, voix qui sont nôtres, les voix du bon sens public et du progrès; et vous verrez qu'il y a trois années, il y avait peu de républicains en Vendée, qu'aujourd'hui il y en a un grand nombre, ce qui nous permet de prédire, qu'à bref délai la Vendée sera républicaine.
Ils sont bien républicains, ils sont bien anticléricaux, les paysans qui ont voté avec nous, pour nous, il leur a fallu un grand courage pour accourir à notre appel. Les listes cléricales étaient imprimées sur papier mince, les caractères perçaient le papier, il était facile de les reconnaître au toucher, la consigne était de les remettre pliées en quatre. Malgré cela, tous les paysans qui savent écrire ont voté pour nous. Ils savaient qu'on les mettrait hors de leurs fermes s'ils étaient découverts, On leur avait dit, en outre, que mangions les curés; beaucoup l'ont cru et ils sont venus à nous quand même.
Nous allons maintenant voir à l'œuvre certains conseillers municipaux pantins dont les curés tiennent les ficelles (nous pouvons nous permettre de qualificatif en souvenir de la période électorale, c'est une épithète que nous renvoyons à son adresse). Au lieu de construire des écoles, ils vont édifier des églises agrémentées de clochers pointus, et ils réuniront dans ces monuments d'un goût exquis une population de gens qui ne sauront pas lire. Ils leur raconteront les prouesses du petit-fils de Philippe-Égalité: aujourd'hui l'Église n'est plus qu'un lieu de réunion où l'on parle politique.
Quelques-uns de nos amis. désespèrent et se lassent, de
Guider les foules décrépites
Vers les lueurs de l'horizon.
Ils sont fatigués de lutter, non contre les cléricaux et les monarchistes, mais contre tous ces fonctionnaires, qui haïssent profondément la République, contre ces administrateurs qui se disent républicains et qui nous trompent chaque jour sans vergogne : qui gouvernent enfin maladroitement avec nos adversaires et ne craignent rien tant que de déplaire à ceux-ci.
A ceux qui doutent et, qui aspirent au repos, dites que la République est au-dessus de ces questions de personnel administratif, qu'un jour viendra ou nous verrons enfin apparaître le ministre que nous voyons dans nos rêves, l'homme qui saura comment on doit procéder pour avoir des fonctionnaires républicains. Il serait singulier que l'empire eut su se faire respecter par tous les gens à son service, et que la République ne put trouver le moyen d'empêcher ceux qu'elle paie de la combattre.
Vous, sonneur de clairon, protestez avec nous contre cette désespérance de nos amis. Sonillez-leur le courage qui vous anime, dites leur que les jours de la République ATHÉNIENNE sont comptés et que la République ne sera plus désormais amnable que pour ses amis
SARCEL
Le Petit Ouest mardi 20 mai 1884
Nous recevons la lettre suivante :
Monsieur le Directeur,
Ayez donc l'obligeance de protester contre certaine habitude de notre administration académique de la Vendée, habitude qui tend à passer à l'état de scie. A chaque instant, et pour des motifs futiles. conférences pédagogiques ou autres M. Paisant, inspecteur d'Académie, fait voyager les instituteurs d'un bout de l'arrondissement à l'autre. On exige beaucoup de travail et de zèle de nos instituteurs dont le dévouement à la République est à l'abri des ennuis académiques, en revanche on les paie fort peu. Quand pourra-t-on comprendre que ces modestes fonctionnaires ont besoin d'un peu de repos, et que les deux jours de congé qu'on leur donne chaque semaine - quand ils ne sont pas occupés par la messe ou le catéchisme - leur sont absolument nécessaires. Les dépenses que leur imposent ces déplacements dans un pays où les moyens de transports sont peu faciles et fort coûteux leur pourraient être épargnés, et les 15 ou 20 francs qu'on les oblige à dépenser sans utilité bien démontrée, resteraient chaudement dans leur poche sans grand inconvénient pour la cause de l'instruction primaire.
En protestant contre cette tendance déambulatrice de notre administration, je crois répondre aux sentiments de nos amis les instituteurs. Ces réflexions me sont suggérées par une nouvelle fantaisie de nos administrateurs. Il paraîtrait, si les renseignements que je possède sont exacts que, cette année, on aurait cru devoir modifier les façons d'agir antérieures, et qu'à l'occasion des examens pour le brevet de capacité, on obligerait les instituteurs à se rendre au chef-lieu du département pour corriger les copies du concours.
Ce sera dépenser beaucoup d'argent pour obtenir un bien mince résultat.
SARCEL.
Composition de la municipalité de Challans
La municipalité de Challans est ainsi composée :
Maire : M. Boux de Casson.
Adjoints : MM. Thibaud, Louis ; Léveillé.
Ces messieurs étaient maire et adjoints avant les élections dernières, il n'y a donc rien de changé. Bien que le Conseil municipal représente des opinions qui diffèrent absolument des nôtres, nous sommes heureux que M. Boux de Casson, dont l'affabilité et la loyauté nous sont connues, ait accepté la direction des affaires communales.
Le Petit Ouest mardi 26 mai 1884
Nous recevons la lettre suivante
La Roche-sur-Yon, le 23 mai 1884.
Monsieur le Directeur,
Vous avez inséré dans votre numéro du 20 mai une réclamation d'un correspondant anonyme contre l'administration académique de la Vendée. Permettez-moi de rectifier les erreurs de ce correspondant qui me parait peu au courant des choses scolaires. On ne fait, chaque année, en Vendée que les deux conférences pédagogiques prescrites par les règlements. La seule innovation qui ait été introduite dernièrement a consisté à diminuer le nombre des centres de conférence dans chaque circonscription, afin de permettre aux inspecteurs primaires de visiter, chaque année, toutes leurs écoles. Les instituteurs, loin de se plaindre, ont déclaré, entre autres, à la conférence de Challans, qu'ils étaient très heureux de l'occasion qui leur était donnée de se trouver réunis en assez grand nombre pour s'entendre et discuter leurs intérêts.
Votre correspondant ne me parait pas avoir une notion plus juste de l'administration que des choses scolaires : si elle fait appliquer les lois et règlements, jamais elle ne se permet la plus petite chose qui pourrait ressembler à de la fantaisie. M. le Ministre, sur la demande du Conseil départemental, a décidé que l'examen écrit du certificat d'études primaires (et non pas du brevet de capacité, comme l'a écrit votre correspondant) aurait lieu le même jour et à la même Heure dans tous les cantons de la Vendée. L'administration académique, pour faciliter la correction et prouver aux intéressés qu'elle se ferait avec la plus grande impartialité, a cru devoir prévenir les instituteurs que ceux d'entre eux qui désireraient y prendre part conjointement avec les délégués cantonaux pourraient se rendre à la Roche le 5 juin à 9 heures du matin. Il me semble qu'il y a loin de cette invitation toute courtoise à un ordre de service. Votre correspondant peut donc se tranquilliser et même être certain que l'administration académique n'imposera jamais aux instituteurs de sacrifices inutiles.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, avec l'expression de nos meilleur souvenirs, l'assurance doe mes sentiments dévoués.
PAISANT.
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