Cahier de Lucien Dodin père, page 02

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Haine du Curé - haine de l'école laïque - refus des cadeaux - les canadiens sont à nos portes

Ensemble des fac-similé

Lettre anonyme

Monsieur,

Je ne vous ai jamais parlé, et cependant nous nous connaissons et si je vous écris c’est pour vous donner une idée qui peut être une arme forte pour combattre l’élection des candidats choisis par Mr le Curé. Ne croyez pas pour cela que j’adhère à votre politique, non, je suis royalisten, c’est par haine contre Mr le Curé que je veux combattre les candidats.

Nous n’avons qu’à examiner la queue de ses listes nous y verrons Mr Grehet, un homme il y a deux ans le jour de la Fête-Dieu portait les cordons du duis, et une demi-heure après suivait de près la bannière prétendu maçonnique à l’enterrement de Mr Tandil, ensuite vient le père James dont la femme n’a pas pu faire le pèlerinage de Lourdes puisque Mr le Curé n’en voulait pas, attendu qu’elle ferait honte aux honnêtes femmes. Vient ensuite Mr Tisson dont le beau-père qui se nomme Churriet ancien maire de Longeville près Calmont a subi il y a deux ans 2 mois de prison pour attentat à la pudeur. Si je vous cite les noms c’est que l’on doit critiquer les vôtres.

Quelle confiance peut-on avoir dans les paroles de Mr le Curé quand il se dit le protecteur de la classe ouvrière il veut la construction de son église pour occuper tous les corps de métier. Voyez comme il est faux il a fait faire son contraire c’est Nantes qui lui a fourni les grilles. Il a fait faire l’école libre chez les Ursulines de jésus, ce sont des nantais qui ont fait toute la construction excepté Chartron le couvreur et encore il a été obligé d’aller en procès pour son argent. Si, pour une petite construction, Mr le Curé ne peut pas imposer à l’entrepreneur le droit de traiter qu’avec les ouvriers de Challans, comment peut-il être en son pouvoir et comment l’ouvrier peut-il avoir l’espoir d’avoir du travail pour une construction plus importante. Donc il est faux et il nous l’a montré par ces deux ouvrages qu’il a fait faire.

Je pourrais vous citer des noms d’individus qu’il a employé et à qui il a promis de l’argent et aujourd’hui il ne veut rien leur donner tel que Louis Bourne qui est à l’hôpital et il vous dirait très bien deux affaires.

Avec ces indications si vous les trouvez bonnes pour les envoyer au public et que vous en usez modérément sans montrer de haine je crois et suis sur que vous serez en majorité au conseil car les élections seront d’après l’estime que l’on a pour Mr le Curé et la campagne ne l’aime pas car il est faux et orgueilleux.

J’ai bien l’honneur de vous saluer

‘’(signé illisible)’’

Je vous prie de vouloir garder le secret de cette correspondance

‘’(signé illisible)’’

Terreur blanche, Petit littoral, vendredi 4 avril 1884

A propos de la Terreur blanche

Monsieur le Rédacteur, Je lis dans le Petit Littoral de mardi 1er avril, un article, la Terreur blanche, dans lequel vous signalez au public un mode d'intimidation réactionnaire qui fonctionne depuis de longues années dans nos campagnes.

Les ouvriers, fermiers et commerçants sur lesquels s'appesantit la main du clergé et des messieurs à particule, en trouvent le poids lourd. Ceux de nos campagnards qui liront ces lignes, connaîtront plus d'un de leurs voisins, de leurs amis, qui en ont souffert.

Un espionnage journalier, aidé par le tribunal de la pénitence, boîte en bois dans laquelle les femmes confessent leurs maris, renseigne les propriétaires réactionnaires sur les velléités d'indépendance de leurs fermiers, insistant auprès de quelques-uns peu habitués à ces façons malhonnêtes, avec une ténacité qui vous surprendrait, si je vous en donnais des exemples.

Défense de conduire les enfants dans les écoles laïques, même quand il n'en existe aucune autre, défense de fréquenter les bibliothèques populaires ou sociétés suspectes de libéralisme, pas d'absolution pour les mères, pas de communion pour les filles, qui, dès leur onzième année, sont tenues d'avoir une opinion politique, de préférer le parapluie orléaniste à M. Grévy. Voilà le bilan de ces messieurs.

Et toutes ces défenses ont une sanction pénale : on ne renouvellera pas les baux, on augmentera le prix de la ferme; toujours quand le tenancier ne pourra mieux faire que d'obéir. Le journalier restera sans ouvrage, à moins qu'il ne fasse amende honorable. L'ouvrier perdra sa clientèle (cléricale) si, dans les 24 heures, il n'a pris une détermination qui plaise. Madame X..., ira plutôt chercher en Amérique les 24 sous de poivre qui lui sont nécessaires annuellement que de les acheter chez un épicier dont la cousine germaine s'abreuve des livres de Jules Verne, ouvrages défendus par la sainte église vendéenne. On laissera crever de faim le malheureux qui ne voudra pas payer le pain aux dépens de sa liberté : les ministres du Dieu de charité sont gens peu pitoyables.

Sans ces façons, nos élections seraient libérales; nos paysans sont gens calmes et peu révolutionnaires, Votre devoir, Monsieur le Rédacteur, est de bien leur persuader qu'ils sont libres. Dites-leur : "Mes enfants, faites instruire vos garçons et vos filles, et quand viendra le jour du vote, je vous demande une minute de courage pour jeter à l'eau tous les oppresseurs, et je vous jure que vous en serez éternellement débarrassés.

Quant à vous, fermiers, sachez bien que le propriétaire des champs que vous cultivez n'a le droit de vous demander qu'une seule chose, le prix de la ferme.

Le bulletin de vote, une fois bien plié, est muet et ne vous dénoncera pas, bien que l'on vous emmène par brigade le déposer dans l'urne."

Quelques-uns de nos amis avaient réclamé le vote sous enveloppe que nous aurions préféré ; mais le mode actuel nous suffit et l'on peut parfaitement s'entendre avec lui.

L'on ne doit pas s'effrayer de la situation qui nous est faite, le moment est prochain où tout le monde saura lire et comprendra que l'homme qui travaille n'est justiciable que de sa conscience et des lois. Mais l'on ne doit pas cesser de crier aux pouvoirs publics, dont nous avons eu parfois à nous plaindre : "Chaque fois que vous construirez une école, vous ferez aimer la République."

Je vous parlais, il y a un instant, de la pression vraiment épouvantable que les réactionnaires font subir à leurs fermiers.

Vous remarquerez que tous ou presque tous les propriétaires qui ornent leur nom d'une particule, sont d'anciens commerçants enrichis, et j'en connais plus d'un, de ces gens de la Haute, dont le grand-père portait noblement un nom roturier ; le jour où vous voudrez leur être désagréable, il vous sera facile d'en réunir la liste. Lancez une pierre dans cette mare aux grenouilles, et vous verrez combien se tairont de ceux qui, pour se faire pardonner leur noblesse récente, se croient dans l'obligation d'être plus royalistes que le roi et plus catholiques que Dieu le père. Veuillez, etc,

SARCEL.

Réunion électorale, Petit littoral, vendredi 23 avril 1884

Nous recevons la lettre suivante :

Challans, le 20 avril 1834. Monsieur le Rédacteur, Une réunion électorale présidée par M. le docteur Riou, assisté de ses amis de la minorité du Conseil municipal, a eu lieu le 20 avril dernier à Challans.

Cette réunion avait pour but de constituer la liste qui serait présentée le 4 mai au suffrage des électeurs.

Les habitants de la campagne sont peu accoutumés à assister à nos réunions; dimanche, ils étaient nombreux. Ils ont parfaitement compris qu'ils doivent être les premiers défenseurs de leurs intérêts, et que ce n'est pas faire œuvre de citoyen que d'abdiquer entre les mains de gens vivant de sourdes menées, et qui n'ont qu'un but: asservir en abêtissant. Le docteur Riou, à l'ouverture de la séance, a prononcé quelques mots souvent interrompus par les applaudissements.

Il a fait remarquer à nos paysans que la municipalité que nous allons remplacer, n'a rien fait pour les intérêts de la commune; que le jour où le gouvernement de la République nous offrit de construire à ses frais deux écoles de hameau à la Flocellière et à la Bloire, la majorité du Conseil, à l'unanimité refusa la largesse du gouvernement; que le parti réactionnaire et clérical qu'elle représente entra en campagne, et lorsque l'administration qui, sur nos instances voulait construire malgré cette opposition, se présenta, elle ne trouva personne qui voulût lui vendre le terrain nécessaire.

Alors on vit cette majorité réactionnaire, dont le plus grand nombre sait à peine lire, proclamer qu'elle était heureuse de son vote, qu'elle trouvait suffisamment développée l'intelligence de ses membres, et que "les enfants ne doivent pas être plus fins que leur père". Ce qui, en bon français, signifie qu'ils doivent vivre et mourir dans la peau d'ignorants. Les enfants du quartier de la Flocellière, quelques-uns de la Ploire ou des environs ont 6 à 8 kilomètres à parcourir, matin et soir, pour se rendre à l'école. Dans ces circonstances, refuser des écoles de hameau, c'est vouer ces enfants à l'ignorance, et un ignorant est un homme facile à tromper. un homme qui a besoin d'un maître, c'est un soldat de la réaction.

Jean Macé disait, il y a quelques jours : « Nous voulons faire de vous des citoyens, des républicains, parce que vous êtes tous condamnés à la République, et que si la République périt, la France périra; et il ajoutait : "Le Républicain est l'homme qui fait ses affaires lui même, et ce ne sont pas toujours ceux qui crient Vive la République le plus fort qui sont les meilleurs républicains".

Inspirons-nous de ces nobles paroles.

X... (SARCEL)

On nous écrit d'une commune de l'arrondissement, le 20 avril 1884.

Monsieur le Rédacteur, Un canadien, du nom de Routhier, s'était, il y a quelques jours, transporté à la Roche-surYon. Un grand nombre de prêtres du département et quelques civils se sont réunis pour l'entendre.

Le discours de l'orateur est particulièrement intéressant. Après avoir dit que dans le pays tel qu'il habite l'instruction est tout entière dans les les mains du clergé, et que ce sont les évêques qui sont chargés par le gouvernement de faire la de répartition des fonds accordés aux écoles, il s'attache à développer, s'appuyant sur une boutade de Newton, ce principe, que "celui qui sait est moins tranquille que celui qui croit". Il n'était pas nécessaire de venir du Canada pour nous apporter cette idée exprimée en mauvais français; M. Routhier eût pu parfaitement la rencontrer en Vendée.

Cette affirmation de Peau-Rouge, si qui, si l'on compare Newton à quelque brute illettrée, admet que l'avantage reste à ce dernier, nous a peut surpris, mais nous sommes heureux de la voir produire sous le haut patronage de Sa Grandeur l'évêque de Luçon.

L'orateur fait l'apologie de l'Angleterre, dont il est sujet fidèle, et ne parait pas regretter beaucoup la patrie où sont nés ses aïeux. Il vante les principes démocratiques qui sont la loi de son pays; il fait remarquer que le représentant de la Reine (flatterie qui doit être douce à des oreilles orléanistes), règne et ne gouverne pas; enfin, il fait des efforts pour nous engager à nous transmuter en Canadiens.

Eh bien ! monsieur dans quelques mois, vous serez de retour au Canada, dites à nos frères, les Français de Québec, que nous les aimons, que nous n'avons pas oublié notre commune origine et que nous sommes heureux de savoir qu'ils songent à nous. Mais dites-leur bien aussi que nous regrettons profondément qu'ils viennent s'immiscer dans nos querelles (ce n'est pas leur affaire de crier vive le Roi, en Vendée) et que nous sommes prêts à donner notre vie pour la République que nos pères ont fondée.

Avant de terminer cette lettre déjà longue, permettez moi de m'arrêter sur les quelques mots prononcées par M. de la Bassetière. "Quand le budget des cultes sera supprimé, a-t-il dit, il faudra bien que les pasteurs vivent de l'aumône des fidèles". Je ferai remarquer à l'honorable représentant des lieux sis entre les Sables et St Gilles que le gouvernement de la République a augmenté le traitement des desservants et que rien ne présage que le budget des cultes soit être bientôt supprimé; et que même alors, les pasteurs dont il parle se trouveraient dans la nécessité où nous sommes et dont nous ne nous plaignons pas; ils travailleraient pour vivre et que cela vaudrait mieux que vivre de ses fidèles.

SARCEL

Lettre anonyme, Petit littoral, mardi 29 avril 1984

Chronique départementale

Challans, le 26 avril 1884. Monsieur le Directeur, Je reçois la lettre anonyme et singulière que voici. Je la tiens à la disposition de ceux qui douteront de son authenticité.

"Challans, le 25 avril 1884. Monsieur,

Si je vous écris, c'est pour vous donner une idée qui peut être une arme forte pour combattre l'élection des candidats choisis par M. le curé. Ne croyez pas pour cela que j'adhère à votre politique, non, je suis royaliste, c'est..... (suivent les raisons qui l'ont engagé à nous écrire et de longs détails sur la moralité des membres qui composent la liste cléricale et sur le passé de leur famille, puis il continue :)"

"Si je vous cite ces noms, c'est que l'on doit critiquer les vôtres. Quelle confiance Doit-on avoir dans les paroles de M. le curé, quand il se dit le protecteur de la classe ouvrière; il veut la construction de son église pour occuper tous les corps de métiers, voyez comme il est... (ici une épithète désobligeante pour notre pasteur. Notre correspondant énumère ensuite diverses constructions que M. le Clé a dirigées et dans lesquelles il a employé des ouvriers étrangers à la localité, puis il ajoute:)

"Si pour une petite construction, M. le Curé ne peut pas imposer à l'entrepreneur l'obligation de ne traiter qu'avec des ouvriers de Challans, comment peut-il être en son pouvoir et comment l'ouvrier peut-il avoir l'espoir d'avoir du travail pour une construction plus importante."

Notre anonyme termine par ces mots : "Je crois et suis sûr que vous serez en majorité au Conseil."

Nous avons trop confiance dans le bon sens des électeurs pour en douter.

Maintenant un mot: Je répondrai à mon correspondant anonyme qu'il n'entre pas dans nos habitudes démocratiques de rechercher dans les familles les turpides anciennes, ni d’étaler au grand jour tous les deuils. Nous abandonnons ces procédés à nos adversaires. On nous critiquera, dites-vous, ce qui dans votre esprit signifie sans doute qu'on nous calomniera, qu'on nous insultera, nous ne l'ignorons point, et cela nous laisse froids; car , sachez-le bien, Monsieur, il est des insultes qui honorent ceux qui en sont l'objet. Si nous recherchons les honneurs municipaux,ce n'est pas par une vaine ambition du pouvoir. Grands dieux ! C'est parce que nous sommes persuadés d'y faire un peu de bien, et que nous espérons arriver à persuader un jour, à vous, à vos amis de la campagne, qu'ils doivent promener la tête haute parce qu'ils sont libres; qu'il faut qu'ils s'instruisent et fassent instruire leurs enfants pour qu'ils puissent jouir de la liberté; qu'ils sachent tout ce que leurs ancêtres, sinon les leurs, du moins les nôtres, ont fait pour eux Nous voulons leur dire que les fleurs sur lesquelles nous marchons ne sont pas des fleurs spontanément écloses.

Nous voulons vous apprendre à voter pour des idées de justice et de liberté, à aimer cette noble devise : Liberté, Égalité, Fraternité, à comprendre enfin la grandeur d'une idée généreuse, à vivre et au besoin à mourir pour elle. Notre ambition municipale va jusque-là. Nous espérons aussi qu'un jour vous vous habituerez à prendre franchement la responsabilité de vos actes, à ne pas rougir d'une belle action, à n'en pas faire de mauvaises. Ce jour-là, Monsieur, vous n'écrirez plus de lettres anonymes.

Un challandais

SARCEL

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