Cahier de Lucien Dodin père, page 32

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citadelle de la réaction - reçu à la gare - série des toasts - médaille en souvenir - la rage m'étouffe

Ensemble des fac-similé

Petit phare mardi 20 mai 1890

Chronique régionale

VENDEE

CHALLANS. - La ville de Challans s'est distinguée, dimanche, une fois de plus et a prouvé qu'elle n'était plus la citadelle de la réaction. Un grand festival organisé par souscriptions publiques avait attiré une foule de curieux venus de tous les points de la Vendée, et la tête, admirablement organisée, a de tous points répondu à l'espérance de tous, d'autant que le soleil s'était mis de la partie.

M. le préfet de la Vendée, accompagné de M. le sous-préfet des Sables, a présidé à cette fête toute républicaine et le premier magistrat du département n'a cessé de manifester son admiration et de prodiguer des félicitations bien méritées aux organisateurs à la tête desquels se trouvaient M. Charles Batuaud comme président, MM. Normand, Barrau, Chabiron, Emile Cantin, etc.

M. le préfet Louvel, arrivé depuis peu en Vendée, a été reçu à la gare par les autorités locales et par toutes les musiques qui devaient prendre part au festival.

Ce festival, qui a eu lieu en face d'une tribune d'honneur où se trouvaient M. le préfet, M. Guist'hau, conseiller d'arrondissement de l'Ile-d'Yeu ; M. le docteur Dodin, conseiller municipal de Challans, etc., n'a été qu'une série de succès bien mérités pour les fanfares qui avaient si gracieusement prêté leur concours et pour les orphéons de Boeuvoir et de Challans fort applaudis dans le chœur des Maçons, de Saintis.

A six heures, et c'était là le clou de la fête. un grand banquet républicain reunissait plus de deux cents personnes dans la cour de l'Ecole. Ce banquet était présidé par M. le préfet, qui avait à sa droite M. Charles Batuaud et à sa gauche M. Normand, le sympathique directeur de la Lyre Challandaise. En face du préfet se trouvaient M. le docteur Dodin, conseiller municipal de Challans, qui avait à sa droite M. Guis'Thau, conseiller d'arrondissement de l'Ile-d'Yeu.

Nous avons remarqué : MM. Cantin frères ; Reynaud, maire de Saint-Gilles-sur-Vie Marotte, de Beauvoir; Narquet, rédacteur en chef du Libéral de la Vendée ; Laurent, notaire ; Boisson, notaire à Beauvoir; Friou, adjoint à Noir moutier; Chabiron, directeur de l'Orphéon, Laprée, pharmacien ; Leray; Merlet; Rousselot Herbert Raymondeau, maire de Croix-de-Vie; Savin, médecin à Apremont-Davy, et Charrier, de Palluau.

Au champagne et après un menu des plus savoureux, M. Charles Batuaud a inauguré la série des toasts en remerciant M. le préfet, M. Guist'hau et tous les organisateurs de la fête de leur concours si dévoué et si empressé.

M. le docteur Dodin était bien autorisé pour succéder à M. Batuaud et pour exposer, au nom de la ville de Challans, les desiderata de la population. Il l'a fait en termes excellents, d'une netteté et d'une modération parfaites. On ne pouvait mieux dire et il ne pouvait en être autrement.

M. le préfet a répondu en assurant la démocratie challandaise de son entier dévouement et il a bu au président de la République.

M. Guist'hau, dans un toast plein de vigueur et d'esprit, a bu au docteur Dodin, président d'honneur de la fête. Il a dit le dévouement du conseiller municipal challandais aux intérêts de la localité.

M. Narquet, rédacteur en chef du Libéral de la Vendée, a insisté sur la nécessité de l'union des républicains et il a engagé les assistants à fonder à Challans un comité républicain.

Après le banquet une retraite aux flambeaux et un feu d'artifice qui fait une fois de plus honneur à M. Petit-Demaison ont clôturé cette superbe journée - ou plutôt chacun est allé au bai de l'Avenir, où élus et électeurs ont prouvé leur joie et leur fraternité en dansant jusqu'au matin.

Le Cercle républicain de Challans n'a pas oublié de prouver une fois de plus son renom d'hospitalité et il a offert à toutes les notabilités et à M. le préfet un punch d'honneur qui s'est prolongé jusqu'à minuit. En un mot c'est le cas de rééditer le vieux cliché qui jamais n'a été aussi vrai: Bonne et excellente journée pour la République.

Vendée républicaine samedi 24 mai 1890

LE FESTIVAL DE CHALLANS

Dimanche dernier, 18 du courant, Challans avait pris un air de fête inaccoutumé; la veille au soir 21 coups de canon annonçait le Festival du lendemain ; mais parlons de suite du dimanche. Les Challandais sont réveilles de très bonne heure par des coups de canon : les rues sont pavoisées, partout flottent les 3 couleurs; on met la dernière main aux décorations; nous remarquons à l'entrée de la rue de la Fontaine un superbe arc de triomphe et un autre à la sortie de la gare; la salle du banquet s'apprête, les drapeaux mêlent leurs couleurs au vert, la cour d'honneur de l'école laïque de garçons, qui a été si bien inaugurée à la rentrée dernière par M. E. Robert et M. l'Inspecteur d'Académie (M. A Dubé s'en souviendrait-il ?) a un aspect féérique. Un grand nombre de maisons particulières sont pavoisées, La mairie n'est pas en retard ; nous le constatons avec plaisir et lui donnons un bon point. La conciliation poindrait-elle à l'horizon, et l'embarras de MM. nos adversaires pour la construction de l'église y serait-il pour quelque chose ?

Mais n'anticipons pas.

A 8 heures 1/2 la Lyre challandaise se rend à la gare pour la réception des fanfares de Pornic et de Paimbeuf. La fête commence, à 10 heures tout Challans est à la gare pour y recevoir M. le Préfet. En tête s'avance la Lyre avec sa bannière tricolore, puis l'école laïque de garçons, bataillon scolaire en avant, avec son drapeau ; ils ont un air vraiment crâne (n'en déplaise au prisonnier de Clairvaux), nos soldats imberbes, et ils promettent pour l'avenir ; puis viennent la musique de Paimbeuf, le corps des pompiers avec leur sympathique lieutenant, la Société de Secours mutuels avec l'honorable M. Herbert, le dr Riou étant retenu au lit, l'Orphéon l'Indépendant de Challans, la fanfare de Pornic, les Organisateurs de la fête et enfin les fonctionnaires au complet.

Le train entre en gare à toute vapeur. Le bataillon scolaire présente les armes, les musiques jouent la Marseillaise; M. le Préfet descend de voiture, accompagné de M. le sous-Préfet et de M. l'Inspecteur primaire des Sables d'Olonne. Il est acclamé par les cris de : Vive M. le Préfet et de : Vive la République. Les présentations ont lieu et le cortège se met en marche; la gare est admirablement pavoisée : nos félicitations au chef. La rentrée en ville est imposante et splendide ; les maraîchins qui se rendent à la messe ne peuvent s'empêcher de dire tout haut: « Oulaie bê bia totchin. » Les rues regorgent de curieux. M. le Préfet déjeune chez M. Batuaud, président de la fête. Pendant ce temps les musiques de Beauvoir, Noirmoutiers, Sint-Jean-de Monts, Saint-Gilles-sur-Vie, les Lucs arrivent à leur tour. L'air résonne ; les notes mâles et sonores des instruments excitent l'enthousiasme et le temps, qui menaçait le matin, se met aussi de la fête et devient tout à fait propice; le ciel ost d'un bleu d'azur et le soleil un peu chaud.

A 1 heure a lieu le défilé de toutes les musiques. Que de monde ! La fête bat son plein. A 2 heures les fanfares se rendent dans la cour de l'école laïque de garçons où des rafraîchissements leur ont été préparés; puis elles exécutent des morceaux d'ensemble sous la direction de M. Normand, chef de la Lyre challanlaise. Les Orphéons de Beauvoir et de Challans se font aussi entendre. Nos sincères compliments aux musiciens et orphéonistes.

Tout le monde se dirige vers la place des Vieilles Halles, où les fanfares doivent exécuter chacun à tour de rôle un morceau de musique. M. le Préfet monte à la tribune d'honneur, où à notre grand regret nous ne voyons encore qu'une seule personne ; mais l'erreur est bientôt réparée et la tribune est promptement garnie de dames aux toilettes ravissantes et du meilleur goût ; ce n'est là qu'un incident sans importance dû à un oubli sans doute bien involontaire, mais que j'ai tenu à signaler afin de n'y plus retomber. M. le Préfet remet à chaque musique une médaille en souvenir du festival.

A six heures l'on se dirige vers la salle du banquet. 180 convives y prennent place. Le dîner est très-bien servi, mais du dîner nous ne parlerons pas; nous arriverons immédiate ment aux discours.

M. Batuaud, présidant la fête, souhaite la bien venue à M. le Préfet et le remercie d'avoir bien voulu rehausser par sa présence 1'éclat du festival et accepter la présidence du banquet.

Le docteur Dodin, à son tour, lit un discours, discours éloquent, aux phrases heureuses, plein de réformes, tant sociales que politiques, véritable marche en avant, auquel on peut sans crainte donner l'épithète de discours programme.

M. Le Préfet y répond ; l'attention de la salle est très grande : le premier magistrat du département a la parole facile et éloquente.

Avec un très grand bonheur d'expression, il définit ce que doit-être la politique républicaine « Energique, certes elle le sera, on peut y compter, mais aussi et pardessus tout, juste. La République est le gouvernement définitif, indiscutable, et elle doit avoir la sérénité qui lui convient. Elle doit surtout s'occuper des intérêts en souffrance, et, à ce titre, M. Louvel dit quelques mots des intérêts plus spéciaux de la a région. Il ajoute qu'il faut s'occuper particulièrement des intérêts des petits, organiser l'assistance dans les campagnes, développer l'association, faire de la saine et bonne démocratie, etc., » et c'est au milieu des applaudissements les plus nourris que M. le Préfet lève son verre en l'honneur de M. le Président de la République.

Un insulaire qui semble avoir respiré par le courant du Gulf Stream le souffle des grandes républiques du Nouveau-Monde et qui est un des favoris de Mercure se lève; j'ai désigné M. Guisthau, le conseiller d'arrondissement de l'Ile-d'Yeu. M. Guisthau prononce un discours plein d'éloquence et religieusement écouté ; les applaudissements de la salle de lui manquent pas. Nos compliments à ce jeune orateur qui a si bien su nous tenir sous le charme de sa parole.

M. Narquet, rédacteur en chef du Libéral a la parole. Il parle do l'obscurantisme de citadelles dont la brèche est ouverte et que l'assaut vigoureux des républicains peut emporter et il nous avoue franchement que s'il n'était pas plutôt venu à Challans, c'est qu'on lui avait calomnié cette ville, vraiment républicaine ; prête à échapper à la réaction.

Enfin l'instituteur laïque de Challans termine la série des discours. Il assure M. le Préfet de tout le dévouement des instituteurs pour faire une guerre acharnée à l'ignorance et il établit une comparaison entre le banquet de ce jour, avec un autre, mais celui-ci royaliste, célébré il y a onze à douze ans. Il souhaite la concorde entre les républicains et il boit à la Fraternité des citoyens.

Le banquet ost terminé. Déjà les sons de la Marseillaise annoncent la retraite aux flambeaux. Beaucoup de maisons particulières sont illuminées. La retraite après avoir parcouru les principales rues de la ville se rend, suivie des étrangers et de toute la population challandaise, sur le champ de foire où est tiré un beau feu d'artifice. Puis l'on se dirige vers la salle de l'Avenir où un bal populaire est déjà en train. On étouffe dans la salle trop étroite, tant danseuses et danseurs sont nombreux. Terpsichore a du être satisfaite, puisque le jour venu les couples se livraient encore à de joyeux ébats.

En somme belle fête dimanche dernier pour Challans et pour la République. Merci, au nom de la population de la ville, à toutes les fanfares qui pris ont part au festival, merci aux organisateurs de la fête et :

Vive la République !

Beauvoir

On nous prie de reproduire la • lettre suivante écrite de Beauvoir au Libéral de la Vendée :

Monsieur le Rédacteur. « Les gens de cœur plus ou moins anonymes, qui se cachent sous la signature A. D., dans la feuille cléricale innommable qui se publie aux Sables, se devraient à eux mêmes do ne pas s'abriter derrière l'irresponsabilité systématique du brave qui tombe en syncope toutes les fois qu'on lui envoie des témoins.

« En ce qui concerne M. Dupleix, il a beau assurer que la rage m'étouffe, il n'étouffera pas, lui, les clameurs de l'indignation publique qui s'élèvent contre l'homme qui a essayé d'enlever le pain à une nombreuse famille parce que le père désirait mettre son enfant à l'école laïque.

En ce qui concerne la feuille de choux susdite et le matamore invulnérable qui y vomit, je crois que le public est suffisamment déifié sur des procédés honorables, qui n'ont eu cours jusqu'à présent que dans une certaine presse : C'est la première fois, en Vendée, que des propriétaires d'un journal se dérobent derrière un individu qui se déclare irresponsable.

La Mais, comme, en somme, il faut bien trouver quelqu'un à qui parler, s'il faut prendre une paire de pincettes pour aller fouailler l'hombre de paille qui couvre les anonymes. de sa bravoure, je la prendrai, qu'il se le tienne pour dit »

Agréez...

MAROTTE

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