Cahier de Lucien Dodin père, page 26

< Cahier de Lucien Dodin père, page 25 | Le cahier électoral de Lucien Dodin Père, index | Cahier de Lucien Dodin père, page 27 >

convoqués par une convocation - suis-je avocat - la liberté des pères de famille - ennuyer le Préfet - maître insulteur

Ensemble des fac-similé

Libéral vendredi 22 février 1889

Une séance du Conseil municipal de Challans, en Pan de grâce 188...

M. le Maire. - Messieurs, vous avez été convoqués par une convocation. Je vous vois tous réunis en réunion ; monsieur le curé m'a dit comme çà : pour qu'une séance puisse être fermée, il faut d'abord l'ouvrir... han! han! han !... La séance est ouverte... parlera qui voudra.

Bourasseau. – On ne saurait être plus spirituel... Je le dirai à mon oncle.

M. le Maire. - Oh! vous savez,... c'est de naissance,... je suis né dans la maison de Mlle de Lézardière.

Thibaud Louis. - Quand je parle, tout le monde doit se taire... Je parle parce que je suis marguillier, j'aurais voulu être sacristain, mais la place était prise, je suis aussi avocat... suis-je avocat !... Mon curé fait suivre mon nom de ce qualificatif pour épater les gars de la Bloire,... mais je suis avocat comme d'autres sont marquis,... n'est-ce pas Bourasseau ? Mon papa, un malin, disait ceci : « mon fils est trésorier de fabrique et il m'a coûté quarante mille francs pour son éducation. Avec cette somme ne pouvais-je en faire un avocat?»

M. Grelier. - Parle donc pas de ça, mon p'tit gars !

Thibaud,continuant. - Père Grelier, tu m'embrouilles tu vas me faire perdre mon fil. (Il cherche dans sa poche)... Branchereau m'avait écrit un sermon sur un papier,... je l'ai oublié dans ma table de nuit... je m'en bats l'oeil... je vais placer ma tartine.

Les républicains, c'est tous des francs-maçons; les francs-maçons c'est de la fripouille...

Léveillé, endormi dans un coin, ouvrant un œil. - Je le sais bien, mais laisse-moi donc tranquille avec tes francs-maçons.

Thibaud... Les républicains, c'est du vilain monde. .La République nous ruine,..la preuve... il y a des propriétés de nos amis qui sont en vente, et les républicains les achètent... les républicains veulent nous manger... mangeons-les... Ouan !

M. le Maire. – Han! han ! han ! (Il tape sur le ventre de Bourasseau)... est-il fin c't animal-là ?

Barrau de la Guillotière. - Hou! hou ! hi! hi!

Douet. – Oh! la ! la ! oh! la ! la !

Grondin de la Bigoterie. - Quelle belle société ié faisons-là !

Tout le monde rit; la séance est suspendue pendant une 1/2 heure.

Merland des Raillières, juge au tribunal de Nantes. — Je suis avocat aussi, et j'aurais un mot à placer sur la liberté des pères de famille.

Ça ferait beaucoup d'effet... Je préfère vous parler de mes chemins, çà m'intéresse davantage, faites-moi donc des chemins. Si vous voulez vous occuper d'autre chose, je m'en vais,... j'emmène Ertus à la chasse aux lapins.

Thibaud. – Taisez-vous, mon curé m'a dit :

« Vous parlerez jusqu'à ce que les autres se taisent... »

Nous ne sommes pas ici pour nous occuper des affaires de la commune... nous avons été élus pour ennuyer le Préfet,... ennuyons-le... vous avez dû remarquer que cela nous réussissait bien...

M. le Maire. — Oui !... Je dirai cela au Conseil général... han! han ! han !...

Le père Lesaffre à Lory.--Dis donc, futur adjoint, je me carapate, il m'assomme,cet animal là... paies-tu un verre ?...

Massonneau. – Messieurs, moi je voudrais vous parler de la lumière électrique.

Tous. — Vive Massonneau !... vive notre futur député !!!!

M. le d^r^ Dodin appelant le garde-champêtre. - Arneaudeau, apportez-moi un balai...

UN SPECTATEUR.

(Sarcel)

Le Publicateur dimanche 17 février 1889

Challandais, on se moque de vous !

M. Edmond Robert est encore, pour le moment, préfet de la Vendée. M. Edmond Robert est très connu dans le marais de Challans.

Il va manger un morceau de merlu chez Mornet, du Perrier. Libre à lui !

Il va s'enfariner dans le moulin de Marotte, de Beauvoir. Il en est libre!

Il vient prendre des "consultations gratuites" chez M. Dodin, - C'est son affaire !

Il porterait à la messe son « livre bleu » comme il faisait autrefois : nous n'aurions rien à lui dire.

Mais qu'il vienne se moquer des Challandais ! Doucement l'ami!

Et cependant, depuis quatre mois, Challandais, M. Edmond Robert se donne ce plaisir !

Il s'est moqué d'eux en leur imposant trois élections contraires à l'esprit de la loi, puisqu'ils n'avaient qu'un seul conseiller municipal de moins! - Demandez-lui donc pourquoi il n'a pas agi de la sorte à la Roche, à Fontenay et à Montaigu ? Que répondra-t-il ? - Je respecte les électeurs de ces trois villes, parce qu'ils nomment des conseillers républicains; mais je me moque pas mal de ceux de Challans, parce qu'ils ne veulent que des conservateurs.

Il s'est moqué des Challandais, M. le préfet, et cela au superlatif, vendredi dernier, 8 février.

Electeurs Challandais, vous étiez convoqués n'est-ce pas pour le 10 février ? — Oui.

Et qui vous avait convoqués? - M. le préfet. Et qui l'avant-veille de l'élection vous a défendu de voter ? - M. le préfet.

S'est-il moqué de vous ?

S'est-il moqué de vous, en vous tracassant de toutes sortes pour l'heure du scrutin ?

Ah ! monsieur Edmond Robert, un journaliste vous disait autrefois que, député de l'Oise, vous pouviez représenter les « Oisons, » quoique éleveurs et marchands de canards, les Challandais ne sont pas si bêtes que vous le croyez.

Et, Challandais, qui vous vaut toutes ces amabilités ?

Les uns disent que c'est le citoyen Dodin. Enflé de son succès, ce brave garçon s'était écrié : « L'avenir est à moi! Je retournerai ces Challandais, ces Maraîchins surtout, comme l'écorcheur retourne une peau de lapin. » - Rien que ça !

Oui, mais patratras, à la première séance du conseil municipal il reçoit une vigoureuse volée de bois vert de certain de nos amis. Prévoyant le coup de temps, il avait mis dans sa poche sa résille des grands jours ; libre à lui, mais qu'il sache qu'on ne se moque pas ainsi des Challandais !

D'autres colportent que M. Herbert "en est la cause" ; M. Herbert, vous savez bien, l'homme à la soupe aux carottes, ou plutôt l'homme à la soupe à rien du tout.

C'était donc M. Herbert qui devait se présenter. Cet ex-notaire, très éloquent, écrivain sobre mais distingué, avait des chances de se voir bafoué et éconduit, comme une non-valeur de première classe ; il est vrai qu'en compensation, il pourra, dans son cher cabinet, palper à son aise les 1,200 fr. provenant du terrain qu'il a vendu pour la construction de l'école laïque.

Habitants du marais de Challans, on a écrit de vous « que vous étiez par excellence les types de la race fière et indépendante. » C'est le moment de le faire voir à ce préfet et à ces meneurs qui se moquent de vous. Le 24 février, vous serez tous là pour protester contre eux.

Challandais, c'est votre propre honneur qui est en cause, il s'agit de le venger!

Montrez au préfet, montrez à Dodin, montrez au républicain qui demandera vos suffrages, à Herbert, à Cazé, à Lory — à la casquette légendaire, - qu'on ne se moque pas impunément des habitants de Challand.

Libéral mercredi 20 février 1889

M. le docteur Dodin a adressé au Publicateur la lettre suivante :

Challans, le 16 février 1889.

Monsieur, Dans le numéro du Publicateur portant la date de demain 17 février, votre correspondant spirituel de Challans que mon succès électoral empêche de dormir, m'insulte grossièrement, en fort honorable compagnie, d'ailleurs.

Puisqu'il plaît à ce maître insulteur de rester anonyme, je respecterai son anonymat. « C'est son affaire. » Il veut, sans doute, m'enlever le droit de le tutoyer.

Priez-le de jeter un coup d'œil sur la carte de Challans, - la géographie remplace un long séjour, – il y verra combien de maraîchins ont le droit de voter dans notre commune.

Vous voudrez bien, Monsieur le Rédacteur, dire aussi à vos lecteurs :

Que je n'ai jamais tenu le propos niais et ridicule que votre collaborateur met dans ma bouche.

Que jamais je ne me suis moqué de mes électeurs. Je ne me donnerais pas autant d'ennuis pour leur être utile, si j'avais cette intention.

Quant au pauvre garçon de vos amis (il n'est pas modeste ce guerrier), qui, le jour de mon entrée au Conseil municipal, a été, avec permission de M. le Maire, chargé de m'injurier ; ses électeurs et les miens le savent fort capable de recevoir de « vigoureuses volées de bois vert », mais d'en donner, point.

Je vous requiers, Monsieur le Rédacteur d'insérer cette lettre dans le plus prochain numéro de votre journal et vous prie d'agréer mes civilités.

Dr L. DODIN,
Conseiller municipal,

< Cahier de Lucien Dodin père, page 25 | Le cahier électoral de Lucien Dodin Père, index | Cahier de Lucien Dodin père, page 27 >


Page vue fois depuis le 14 mai 2020