Cahier de Lucien Dodin père, page 15

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somme de mille francs - les soutiens de famille - gestion de l'hôpital - reconstruction de votre église - l'école laïque de filles - réduction considérable sur le prix

Ensemble des fac-similé

Tract électoral - Challans, 27 avril 1888

A MM. LES ÉLECTEURS DE CHALLANS

MESSIEURS ET CHERS CONCITOYENS,

Dans notre circulaire électorale de 1884 nous vous disions que, si vous vouliez bien nous honorer de vos suffrages, tous nos efforts seraient consacrés à la défense de vos intérêts. Avons-nous tenu notre promesse ? L'exposé suivant vous permettra d'en juger.

Chaque année une somme de mille francs a été par nous inscrite au budget pour l'amélioration des chemins ruraux. Avec cette ressource nous avons pu mettre successivement en bon état un grand nombre de ces voies de communication si utiles à l'agriculture, et procurer en même temps du travail à beaucoup de journaliers qui en manquaient.

Nous avons ouvert, sur une étendue de deux kilomètres, le chemin vicinal du moulin des Rallières à la Croix-Charles.

En ville nous avons réparé les halles, exécuté différents travaux pour le pavage et l'assainissement des rues, et construit un lavoir public, qui rendra bientôt de grands services aux habitants.

Désireux d'alléger les charges imposées par la loi militaire, nous avons appuyé les demandes concernant les soutiens de famille, et ce n'est pas notre faute si le succès n'a pas toujours répondu à l'attente de ceux qui les avaient formées.

Par nos soins beaucoup de soldats en activité de service ont obtenu des congés, soit pour assister leurs parents âgés ou infirmes, soit pour venir en aide à leurs familles dans les travaux des récoltes.

Nous avons joint nos instances à celles du Conseil de Fabrique en faveur du projet de de l'église paroissiale, projet dont la réalisation, tout en satisfaisant les besoins du culte, favoriserait le commerce de notre ville et fournirait à beaucoup d'ouvriers le travail qui leur fait défaut.

Chargés par la loi de contrôler la gestion de l'hôpital, et vivement émus des plaintes qui nous arrivaient de toutes part sur la difficulté pour les malades indigents de se faire admettre dans cet établissement charitable malgré les revenus importants dont il dispose et le chiffre considérable des économies réalisées, plusieurs fois nous avons prié l'autorité préfectorale d'intervenir auprès de la majorité de la Commission administrative, pour l'obliger à mieux remplir ses devoirs envers les malheureux. Nous avons eu le regret de constater l'inutilité de nos démarches. Du moins tous sauront sur qui retombe la responsabilité d'un pareil état de choses.

Ceux d'entre nous qui font partie de la Commission scolaire ont toujours refusé de concourir à l'application des rigueurs de la loi sur l'enseignement obligatoire, cette loi si ouvertement contraire à la liberté, et qui soumet à la réprimande secrète ou publique, puis frappe [illisible] et de prison le père de famille dont l'enfant ne fréquente pas très assidûment les classes, par [illisible] on a besoin de ses services.

Si nous désapprouvons ces pénalités odieuses, nous sommes partisans néammoins de la diffucion de l'enseignement. C'est pourquoi nous avons tâché d'obtenir l'ouverture d'une quatrième classe à l'école communale des frères, car il était évident que trois classes ne pouvaient suffire pour une population de 226 élèves.

Nous n'avons pas été fort surpris de voir notre demande rester sans réponse. En effet, quelle impartialité. attendre d'un parti dont les chefs viennent de faire voter une loi ordonnant la laïcisation à bref délai de toutes les écoles communales dirigées par des Congréganistes, et décidant par là même que bientôt les instituteurs et les institutrices laïques seront seuls payes par l'Etat ?

Tout pour eux et leurs amis, rien pour les autres : c'est ce amis, rien pour les autres : c'est ce que les républicains appellent de l'égalité !

Du reste, ce ne sont pas là les seules atteintes qu'ils viennent de porter à leurs principes. De tout temps ils se sont donnés comme partisans des franchises municipales. Or, parmi ces franchises, la plus importante est ainsi conçue: "L'impôt doit être voté par ceux qui le paient, ou du moins par leurs représentants", c'est-à-dire dans les communes par les conseils municipaux et les plus forts contribuables.

Jusqu'ici aucun pouvoir, même le plus autoritaire, n'avait osé toucher à cette liberté fondamentale. Comme elle gênait les républicains pour la construction de leurs palais scolaires, ils l'ont supprimée d'un trait de plume.

Aujourd'hui, quand un conseil municipal refuse de voter une construction d'école demandée par le Préfet ce haut magistrat usant de la toute-puissance remise entre ses mains, impose la commune d'office.

Les pachas turcs n'ont pas de méthode plus expéditive.

M. le Préfet du département vient de faire chez nous deux applications de ce nouveau procédé.

Ici nous sommes forcés d'entrer dans les détails.

Il y a quelques années, M. Calvet, l'un des prédécesseurs de M. le préfet actuel, fit soumettre au Conseil municipal une proposition qu'il formulait en ces termes : "Je m'engage à faire autoriser par le Gouvernement la reconstruction de votre église, si vous vous engagez de votre côté à payer le loyer de l'école laïque de filles et à faire restaurer et agrandir l'école laïque de garçons.”

Le Conseil accepta la proposition susdite. En conséquence il paya le loyer de l'école de filles, fit dresser un projet pour la restauration et l'agrandissement de l'école de garçons, et vota une somme de 10,800 fr. pour l'acquittement de la dépense, sous la condition toutefois que l'autorisation de reconstruire l'église serait accordée, conformément à la proposition préfectorale.

La délibération du Conseil fut approuvée par l'autorité compétente; puis un décret du Chef de l'Etat vint autoriser l'emprunt de 10,800 fr.

M. le Préfet invita aussitôt le maire à contracter cet emprunt.

Celui-ci se déclara tout disposé à obéir, mais seulement après que la construction de l'église aurait été autorisée, et à ce sujet il rappela la proposition et le vote dont il vient d'être question.

M. le Préfet ne voulut rien entendre. Il maintint son invitation ou plutôt son ordre, et comme le maire, fort de son droit, refusait de céder il usa des pouvoirs dictatoriaux qu'il avait en main et chargea M. Riou, président de la délégation cantonale, de contracter l'emprunt au lieu et place du maire.

M. Riou, avec l'assentiment tout au moins tacite de ses coreligionnaires, accepta et accomplit la mission qui lui était confiée. Pourtant cette mission constituait une double injustice, puisqu'en forçant la commune de faire les travaux de l'école sans que la construction de l'église fût autorisée, on violait l'engagement contracté par un préfet du département, et l'on faussait du même coup le vote du Conseil municipal, vote duquel on retranchait arbitrairement la condition qui en était inséparable.

Comme on le voit, les scrupules ne gênent pas beaucoup nos adversaires.

Passons à la seconde application du procédé.

Depuis longtemps l'autorité préfectorale, d'accord avec les républicains locaux, se proposait de faire construire en notre ville une nouvelle école de garçons.

Un projet grandiose avait été dressé, lequel comprenait tout ensemble une école et un pensionnat. Par malheur, un avis ministériel vint apprendre aux auteurs de ce beau projet que le pensionnat ne pouvait être construit sans l'assentiment du Conseil municipal. Comme il était certain que ledit assentiment ferait défaut, le pensionnat fut supprimé. Il s'ensuivait une économie de 30,000 fr., économie certainement fort appréciable.

Comme vous le voyez, Messieurs et chers Concitoyens, si nous ne parvenons pas à empêcher toutes les dilapidations scolaires, il en est pourtant auxquelles nous barrons le passage. Témoin les 30,000 fr. que nous venons d'épargner à la commune.

Un nouveau projet fut élaboré dans des proportions un peu moins ambitieuses. Après quoi on s'empressa de le présenter au Conseil municipal.

Il s'agissait de construire, sur un terrain bordant la rue de la Cure prolongée et appartenant à Mme veuve Théophile Batuaud et à sa famille, un bâtiment composé de cinq classes avec tous les accessoires : logement des instituteurs, etc.

La dépense était portée à 50.000 fr. dont les quatre cinquièmes environ à la charge de la commune, le surplus devant être supporté par l'Etat. Dans ce chiffre figurait le prix du terrain, lequel terrain d'une contenance de 30 ares, était évalué 12,000 fr.

Le Conseil municipal fit subir à ce second projet le sort que le Ministre avait fait subir au premier il le rejeta.

C'était justice. A quoi bon, en effet, construire une nouvelle école de garçons, puisque lanc me nouvelle école de garçons, puisque l'ancienne, une fois restaurée et agrandie, suffirait à tous les besoins ?

Et puis, est-ce au moment où l'agriculture, l'industrie et le commerce sont aux abois qu'il convient de grever les habitants d'un nouvel impôt et d'un impôt considérable ?

En troisième lieu, à quoi emploierait-on l'ancien local que l'on va prochainement restaurer et agrandir.

Y transporterait-on par hasard, comme le bruit en court, l'école laïque de filles?

Mais pourquoi ne pas laisser cette école dans le bâtiment qu'elle occupe et qu'on a construit tout exprès à son intention ?

Il est vrai que ce bâtiment n'appartient pas à la commune, et qu'aux termes d'une loi récente les communes doivent être propriétaires de tous les édifices affectés aux écoles publiques ; mais alors, Plutôt que de vouloir dépenser 50,000 fr. pour la construction d'une école de garçons, il fallait proposer l'acquisition du bâtiment dont il s'agit, car la valeur de cet immeuble étant de 7 ou 8 mille francs tout au plus, on réalisait par là une économie de 40,000 fr. environ, dont les quatre cinquièmes au profit de la commune.

Si l'on voulait à tout prix transporter l'école de filles dans le local actuel de l'école de garçons, ce n'était pas la peine de faire agrandir ce local, le nombre des élèves de l'institutrice laïque ne comportant point l'emploi de cette mesure dispendieuse.

Enfin ne devait-on pas révéler au Conseil ce changement d'affectation, lorsqu'on lui demanda de voter les travaux ? La connaissance de cette particularité pouvait exercer sur sa décision une influence considérable. Était-il loyal de lui laisser croire par le silence gardé sur ce point que les travaux projetés étaient destinés à l'école de garçons, tandis qu'ils l'étaient à l'école de filles ?

Il n'y avait donc aucunement lieu de construire la nouvelle école.

Toutefois, si on était décidé à la bâtir envers et contre tout, du moins fallait-il réduire la dépense au strict nécessaire.

Pourquoi 5 classes ? trois suffiraient parfaitement pour les 116 garçons de l'école laïque, puisque, d'après la loi, chaque classe peut recevoir 50 élèves.

N'est-ce pas chose incompréhensible que l'on veuille 5 classes pour les 116 écoliers de l'instituteur laïque après avoir refusé d'en accorder 4 pour les 226 enfants de l'instituteur congréganiste ?

Ensuite, le prix du terrain est très exagéré. Peut-on payer sur le pied de 40,000 fr. l'hectare un bout de champ situé dans un endroit où le commerce ne se portera jamais ? Lors de l'élargissement de la rue de la Fontaine, la commune a payé moitié moins des terrains bâtis et plus avantageusement situés.

Il faut donc demander une réduction considérable sur le prix. Si on ne l'obtient pas, il est nécessaire de se pourvoir ailleurs, car on ne peut sacrifier l'intérêt de tous les contribuables de la commune à l'intérêt d'une seule famille, et d'une famille riche qui prétend vendre si cher ce qui lui a si peu coûté.

Voilà les raisons graves qui ont fait rejeter par le Conseil municipal le projet de construction de la nouvelle école.

Presque toutes sont consignées dans le procès-verbal de la séance. M. le Préfet les a donc connues. N'importe: à la grande joie de nos adversaires, il a passé outre et pour la seconde fois imposé la commune d'office.

Cela montre le cas que font les républicains de la détresse des contribuables, et combien peu ils sont fondés à se dire les amis du peuple.

Pardonnez-nous, Messieurs et chers Concitoyens, d'être entrés dans d'aussi longs développements. Nous tenions à vous mettre à même de juger en pleine connaissance de cause entre nos adversaires et nous.

Les mesures que nous venons d'exposer, ces mesures tout à la fois injustes, oppressives et ruineuses, nos adversaires s'y sont associés de cœur et quelquefois de fait. Nous leur portons le défit de soutenir le contraire.

Comment, après cela, peuvent-ils compter sur vos suffrages ?

Quand on est, comme vous profondément imbu des principes de la religion et de l'équité et justement soucieux de ses propres interets, on ne vote pas pour les partisans d'un état de choses qui, au lieu de la liberté et de la prospérité promises, ne vous apporte que l'oppression et la ruine.

Nos adversaires devraient déjà le savoir ; toutefois, s'il leur faut une nouvelle leçon pour les en convaincre tout à fait, cette leçon va leur être donnée, car le 6 mai prochain, nous n'en doutons pas, vous leur infligerez une défaite aussi éclatante que celle d'il y a quatre ans.

Veuillez agréer, Messieurs et chers Concitoyens, l'expression de nos sentiments les plus dévoués.

Pour les Membres du Conseil municipal,

0. BoUX DE CASSON, L. THIBAULT, A. LÉVEILLÉ.

P.S. - Nous prenons la liberté de faire deux recommandations importantes à ceux de Messieurs les électeurs qui nous honorent de leur sympathique confiance :

Qu'ils viennent tous voter le 6 mai prochain, tous sans exception, et qu'ils veuillent bien ne rayer aucun des noms portés sur notre liste, afin que cette liste passe du premier coup tout entière, comme en 1884, et qu'ils n'aient pas le désagrément d'être obligés de revenir au scrutin quinze jours après.

Elections municipales du 6 mai 1888

COMMUNE DE CHALLANS

MM.
1 BOUX DE CASSON, OLIVIER, Maire.
2 THIBAULT, LOUIS, Adjoint.
3 LÉVEILLÉ, ABEL, Adjoint.
4 DE BAUDRY D'ASSON, Député, Conseiller sortant.
5 GIBOTTEAU, EMILE, prop^re à la Véronnière, Conseiller sortant.
6 NEVEU-DEROTRIE, Dr médecin, Conseiller sortant.
7 DOUET, PIERRE, charron, Conseiller sortant.
8 CHAILLOU, FERDINAND, propriétaire, Conseiller sortant.
9 MERLAND, JULIEN, Conseiller sortant.
10 LORY, ALEXIS, négociant, Conseiller sortant.
11 PONTOIZEAU, ARMAND, à la Bloire, Conseiller sortant.
12 PELOQUIN père, Conseiller sortant.
13 BONNAUD, EUGÈNE, à la Rive, Conseiller sortant.
14 BOURASSEAU, MARCEL, Conseiller sortant.
15 BRITON père, fermier à la Mothe-Foucrand, Conseiller sorlant.
16 TESSON, Louis, négociant, Conseiller sortant.
17 GRÉLIER, CHARLES, Conseiller sortant.
18 GRONDIN, HENRI, au Petit-Breuil, Conseiller sortant.
19 RABILLER, JEAN-LOuis, fermier à la Beltière, Conseiller sortant.
20 LESAFFRE, JEAN-BAPTISTE, père, propriétaire.
21 ERTUS, PROSPER, propriétaire.
22 RENAUDINEAU, JEAN-LOUIS, fermier à la Clémencelière.
23 BARREAU, JOSEPH, fermier à la Guillottière.

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