Agrandisseur

Quand Lucien Dodin, au début des années 30, avec la grande crise, n’a plus réussi à gagner sa vie comme architecte, il a regardé autour de lui pour voir ce qu’il pourrait faire et a constaté que les amateurs de photographie de l’époque étaient à la fois riches, donc peu atteints par la crise, et à la recherche de matériel, peu courant sur le marché de cette époque.

C’est ainsi qu’il eu l’idée de dessiner et de vendre son « agrandisseur », ce qui devait donner le départ à la riche carrière qu’on connaît.

L’image ci-dessus est une photo récente (1987) de son agrandisseur personnel, installé dans le labo photo de son atelier. Cet atelier a depuis été reconvertit en maison d’habitation, mais le labo servant de placard, l’agrandisseur a été laissé au mur, vu qu’il n’est nullement encombrant.

Je ne saurais pas dire de quand date cette photo, mais elle est ancienne. Mes propres souvenirs ne datent guère que de Montpellier, où nous nous sommes installés quand j’avais 8 ans, j’ai quelques souvenirs de Canet-Plage, mais aucun du labo photo de Lucien dans ce logement. Je pense que cette photo est bien plus ancienne.

Cet agrandisseur est très original, par rapport à ce qui se fera par la suite.

D’abord il n’est pas question de le transporter, il n’est donc pas pliable et doit être installé dans une chambre noire spécialement affectée à cet usage. Du coup il est très simple de le fixer directement au mur, juste en interposant une cale en bois.

Ensuite c’est un agrandisseur grand format. Enfin non, petit format. Je m’explique. Avant la guerre (de 1940) on faisait encore beaucoup de photos « à la chambre », la dite chambre photographique ayant des plaques en verre de grande dimensions, souvent la taille approximative d’une feuille de papier d’aujourd’hui, soit pour l’époque 18×24 cm.

Les photos étaient alors tirées par contact. On mettait le papier sensible et la plaque en verre dans un châssis en bois, et on exposait le tout au soleil. Il n’y avait plus qu’à développer. C’était pratiqué pour tous les formats, c’est pourquoi on a encore souvent dans les familles de vieilles photos taille identité.

En dessous de 9×12, on parlait donc de petit format. Il fallait alors agrandir. C’est pourquoi l’agrandisseur de Lucien passe le 6×9 cm (et en dessous, bien sur).

Aujourd’hui, au vingt et unième siècle, un capteur 6×9 est hors de prix, si même on en trouve (le plus courant est un scanner Betterlight), mais à l’époque du film la pellicule n’était pas chère et les appareils photos non plus, en particulier après l’invention du Box Kodak (en 6×6).

N’oublions pas qu’il n’était pas question de couleur, mais uniquement de noir et blanc.

L’agrandisseur Dodin se composait donc d’une chambre à lumière en aluminium (il y eu de nombreux modèles - je n'ai jamais vu les moules) munie en général d’une seule ampoule opale, d’un condenseur (deux très grosses lentilles plan convexes), d’un porte négatif et d’un porte objectif.

Entre négatif et objectif, un soufflet. Un agrandisseur n’est rien d’autre qu’un appareil photo, d’ailleurs l’agrandisseur Dodin servait souvent à la prise de vue (sur plaques). Les objectifs étaient de relativement longue focale. J’ai devant moi un objectif Berthiot Stellor 180 mm ouvrant à 1:4 (photo à venir).

Lucien étant architecte savait dessiner, et même bien dessiner, du coup il a souvent utilisé des leviers pour ses appareils. L’agrandisseur ne faisait pas exception et si le réglage rapide se faisait classiquement en desserrant un blocage et en poussant l’agrandisseur vers le haut ou vers le bas (il était équilibré par un ressort ou un contrepoids), le réglage fin se fait grâce à un levier qui permet d’avoir une démultiplication variable (également utilisée pour le microscope).

Il faut avoir utilisé ce système pour savoir à quel point il était plus confortable que les systèmes à vis, la démultiplication devenant plus forte juste au moment ou elle était utile.

Le levier de mise au point se voit sur les photos sous forme d’un secteur circulaire. Sur la photo récente en couleur, il est prolongé d’une rallonge en bois pour augmenter encore la finesse.

L’agrandisseur avait commencé par une boite à lumière

Présente au concours Lépine

L’année précédente, à ce même concours Lépine, Lucien Dodin avait obtenu une « grande médaille de vermeil ». Je ne sais pas si la médaille était grande (ne ne l’ai pas retrouvée), mais le diplome, lui, fait dans les 50×70 cm!

La plupart des photos de l’agrandisseur sont visibles là