La Brochure de la Fête Nationale 1883

Fête Nationale - 14 Juillet 1883



Page 1

Prix : DIX centimes.

République Française

Ville de Challans

SAMEDI 14 JUILLET 1883

FETE NATIONALE

Sous le patronage du Comité Républicain

Président ......... Docteur E. RIOU.
Vice-Président . .... HERBERT.
Seorétaire ......... Docteur DODIN.
COMMISSAIRES:

AUGIS (A1ph.) - AUGIS (Arthur)- BARRETEAU
- BATUAUD - BOURON - BRUM - CAZÉ
DUBREUIL - FAU - GUILLOT - GIMONET
LAPIERRE - LORY - MILLE - NORMAND
- PEROLINI - SIMON - SOCHARD -
VINATIERE - VOLEAU.

Voir à la derniére page Ie Programme de la Féte



Page 2

Bibliothèque populaire

Le 25 février 1883, le Président du Cercle Littéraire invitait un certain nombre de personnes qui s'intéressent au développement de l'Instruction en Vendée, à se réunir dans le but d'installer une Bibliothèque Populaire à Challans.

A cette réunion était présent M. E. Vauchez, secrétaire de la Ligue de l’Enseignement, qui développa les avantages pécuniaires considérables faits par la Ligue.

Une Souscription en tète de laquelle s`inscrivirent M. le Préfet de la Vendée; M. le Sous-Préfet des Sables-d'O1onne, MM. J. Macé et E. Vauchez, Président et Secrétaire de la Ligue de l'Enseignement, dépassa bientôt 750 francs.

La Bibliothèque était fondée.

Elle comprend aujourd’hui plus de 400 volumes qui sont mis gratuitement, le Dimanche, de midi à deux heures, à la disposition des personnes de la commune de Challans. Trois semaines sont accordées pour la lecture des livres.

Le Catalogue sera publié prochainement.

La Bibliothèque est administrée par un Comité de 12 Membre: pris parmi les Sociétaires.

Pour être Sociétaire, il suffit de verser une cotisation annuelle de 2 francs et adhérer aux Statuts qui régissent la Société.



Page 3

FETE DU 14 JUILLET

La population Challandaise se dispose à feter dignement la République, la République c`est la France, et le temps des guerres civiles est passé. Elle seule peut nous donner, dans les institutions, la stabilité qui fait la prospérité et la grandeur d'unc Nation.

Quelques personnes ont beau souffler la désunion dans le pays, la haine de la liberté; le fermier qui nomme mon Maître, l`homme qu'il enrichit de son travail, sait fort bien qu'il n'y a plus de Serfs, et que son devoir rempli, il n'a de compte a rendre qu'à sa conscience. Soufflez la discorde, messieurs de la Noblesse, messieurs du Clergé, le paysan Vendéen (et je puis vous le certifier, moi qui suis un vieux paysan), n'oublie pas qu'il doit son affranchissement à la Révolution'et vous ne sauriez l'épouvanter en lui parlant des biens nationaux et de la spoliation du Clergé. Les nobles qui combattaient la France à Coblentz furent indemnisés; et quant aux propriétaires actuels, enrichis aux dépens de la République par ces biens achetésà vils prix; lui le paysan n'ignore pas que ce sont eux qui font la guerre la plus acharnée aux institutions républicaines. Quant aux spoliations du Clergé, il sait ce qu'il en doit penser, lui qui paie les impôts et envoie ses enfants à la frontière se faire tuer pour ceux qui ne veulent pas se battre.

Cependant ce qu'il ne sait pas suflisamment, le paysan Vendéen, c'est ce que la République a fait pour lui. Qu'était-il avant l789? La chose de son maître; il n'avait qu'un droit, celui de "crever de faim" et il en usait largement.

A la veille de la Révolution, un Seigneur s'amusait a tuer à coups d'arquebuse (1) les manants occupés à couvrir le toit de sa maison, et il riait à ventre déboutonné en les voyant s'aplatir sur le pavé : exercice intelligent, et assurément fort drôle.

Or tout a changé. Aujourd'hui justice égale pour tous. Le Vilain armé de son bulletin de vote gouverne la France, et, franchement, elle ne l'est pas trop mal. A la veille d'une élection, il voit son maître se rapprocher de lui. On paie la ribote a Jacques Bonhomme, et souvent, hélas! on arrive à le faire voter contre ses intérêts les plus chers. On lui promet monts et merveilles, quand le Roy sera revenu, or le Roy vient, il est en route, personne ne l'ignore; mais il...

(1) A la fin du XVIIIe siècle, un pareil fait se passa dans une commune voisine de la nôtre.

Page 4

faut avouer qu'il suit un chemin singulièrement long puisqu'il n'est Pas encore arrivé.

Tu ne t'aperçois pas, mon pauvre Jacques que l'on te berne. On veut te laisser dans ton ignorance de toutes choses, on te persuade de retenir tes enfants chez toi, on te signale les écoles comme des lieux de perdition; tu ne veux pas que tes garçons soient plus 'fins' que leur père, toi mème, tu te crois un savant parce que tu sais mieux cultiver ton blé que ton voisin, tu croirais tout perdu si tu voyais ton fils dont tu aurais fait un monsieur, être par son intelligence, en passe de devenir millionnaire. Mais, malheureux! les carrières sont ouvertes à tous; aux plus intelligents et aux plus instruits surtout. Tu ne vois pas que ceux qui te tiennent un pareil langage ont intérêt à te laisser dans ta décrépitude; car si tu en savais autant qu'eux, ils ne seraient plus tes maîtres, ne possèdes-tu pas la meilleure des richesses: le Travail?

Crois-moi, fais instruire tes enfants, habitue-les à se faire sur chaque chose une opinion qui leur appartienne. Apprends leur le respect du Livre: le Livre c'est la Pensée; fais leur tout lire, parce qu'il n'y a de mauvais que les livres sots et ennuyeux; et que c'est seulement lorsqu'on en a lu beaucoup qu'on peut faire un bon choix.

Maintenant, un mot:

Pourquoi fêtons-nous dans toute la France le 14 Juillet, l'anniversaire de la prise de la Bastille? En quoi ce vieux donjon démoli peut-il nous intéresser?

La Bastille c'était la Monarchie, le vieux régime avec toutes ses hontes entassées depuis des siècles. C'était Louis XV et la du Barry; les lettres de cachet, le pacte de famine; c'était la Féodalité qui vivait sur la France comme la vermine sur le pauvre monde; c'était la servitude.

Au bruit de l'écroulement de la Bastille tous les vieux trônes chancelèrent, la monarchie en France agonisait.

Sur toutes ces ruines, le peuple mit cet écriteau,

« ICI L'ON DANSE » et l'on dansa.

Aujourd’hui, à la place qu'occupait la hideuse forteresse, le Génie de la Liberté déploie ses ailes dans l'azur.

VILLEBONEUZE

Page 5

LES DROITS SEIGNEURIAUX ET LA PRISE DE LA BASTILLE

Un fait: la Révolution. Une conséquence forcée: la prise de la Bastille.

Pour apprécier convenablement et le fait et les causes qui le déterminèrent, il faudrait remonter de dix siècles dans notre histoire et prendre bonne note de toutes les tentatives d’opposition faites aux pouvoirs établis.

L’oppression avec ses formes si multiples régnait du haut en bas de l’échelle sociale. Au début de la monarchie nous voyons les seigneurs dépouiller le peuple puis, un peu plus tard, être dépouillés a leur tour par le roi.

A coté de l'oppression morale qui fit emprisonner Galilée et nous dota de l'inquisition, l'oppression matérielle écrasait le peuple de ses droits et redevances.

La première de ces redevances était le cens, appelé aussi gensive, rentes foncières; rentes seigneuriales, qui se payait en denrées, grains, volailles, argent, services, etc.. etc. C’était quelque chose comme le prix du bail ou plutôt de la concession de terre, car, dans le principe, la terre n’était pas affermée. En cas de contestation relative au paiement du cens, l’affaire était portée devant le juge seigneurial qui, nécessairement, donnait raison au maitre.

Puis, venaient les tailles: la taille du roi et celle du seigneur; la taille annuelle et la taille aux quatre cas, aux huit cas, vulgairement connue sous le nom de loyaux-aydes, aydes chevels, aydes-coutumiéres. Après avoir acquitté le cens et la taille, le paysan avait encore at payer la dime ecclésiastique et la dime laïque ou dime inféodée. La dime cléricale se prélevait sur le produit brut de la récolte sans tenir compte des frais d’ensemencement et de culture. Indépendamment de la dime, il y avait aussi le champart qui obligeait le paysan à engranger la part du seigneur avant la sienne propre et sous la surveillance des commis du seigneur qui ne se faisaient aucun scrupule de s'adjuger les plus belles gerbes. Il y avait encore le droit de prise, c'est à dire de tout prendre, en un mot, de voler. Ce droit ne subsiste pas il est vrai, jusqu’au dix-huitième siècle car, quelque temps avant la Jacquerie, les rois 1’interdirent par ordonnances authentiques qui n’eurent pour résultat que de faire vendre ce droit de pillage.

Ajoutons le drioit de mortaille, de marciage, plait a mercy, et plait accoutumé. De par ces droits le seigneur avait celui de choisir, entre les trois années qui suivaient la mort de son serf, l’année la plus féconde pour en revendiquer tous les fruits. Pour les héritages il y avait les droits de Lods et Ventes, Fancfief, Quint et Requint'', Relief, Chambellage, Egage, etc.. etc; pour les barrieres, chemins, canaux, ponts, les droits de Péage, Rodage, Rouage, Barrage, Chenage, Pontenage, etc., etc; pour les Vins, ceux de Afforage, Terceau, Vientrage, Cellage, Vinage, Chamelage, Liage, Huitiéme, Rivage, Bichenage, etc., etc; pour les marchandises: Etalonnage, Aunage, Sixsterage, Stellage, Minage, Leyde, etc., etc ; pour contrôle des poids et mesures les droits de Plassage et de Tonlieu.

Le laboureur payait encore le Bladage, Blairie et Civerage, le Chevrotage, l’Herbage vif ou mort, l'Affouage, L'Abeillage, Ave...


Page 6

..nage, Fournage, Pasquerasse, Préage, Fautrage, Pulvérage, etc.

Et les droits de Chasse, Pêche, Garenne, Colombier!

Et ceux sur la dot: le Gendrage et sur les seconds mariages: Écuelle Couvre chef!

Et le Plat de noces, le Saut du marié, le Droit du Seigneur qui quoiqu’on en dise existait à l’état de droit jusqu’au XVIe et même au milieu du XVIe siècle!

Et les droits de Bris ou de Naufrage, d’Aubaine, de Bâtardise, de Douzaine, de Jurés, de Bourgeoisie!

Et la Corvée et les Banalités dont les applications étaient si nombreuses et si variées: le vilain étant taillable et corvéable à merci!

Nous n’avons pas pu trouver de pièces établissant les droits des anciennes seigneuries de notre localité. Il ne reste rien du château des Dabliéres démoli au passage de Louis XIII, puis reconstruit et définitivement disparu a l’époque de la Révolution, Nous ne pouvons qu’enregistrer l’aveu de Anne de Rohan au duc de Thouars, le 10 mars I635 << déclarant que les habitants de l’Ile de Monts devaient a leurs seigneurs les redevances suivantes : 850 livres de taillée de corps d'hommes payables tous les ans; le cornage des bœufs 7 sols 6 deniers par chaque couple de bœufs sous le joug; droit de veaulage 2 deniers par chaque veau mâle; le minage 7 sols 6 deniers par chaque tonneau transporté hors de la baronnie, etc., etc. Droits de police ou agents de surveillance, de guet, reguet, biaus, ''corrées', à toute réquisition. Le droit de guet était de 5 sols par chaque feu ou chef de maison. »

On comprend que des tyrannies si odieuses eurent pour résultat de mettre des désirs de vengeance dans tous les cœurs : la Révolution en naquit et de son souffle ardent enflamma les États généraux puis renversa la Bastille.

La Bastille, forteresse située à l'extrémité de la rue Saint-Antoine, avait été commencée en 1369 sous Charles V. Son aspect était effroyable, Elle avait des cachots profonds et remplis de bêtes immondes, dans lesquels se déversait le grand égout de la rue Saint-Antoine. Latude y resta trente-cinq ans, pour avoir, enfant encore, dénoncé a Mme de Pompadour un complot imaginaire.

Il y a ceci de remarquable, c’est que dans presque toutes les révolutions le peuple a des élans sublimes. La Bastille était une prison aristocratique réservée aux hommes de cour et aux gens de lettres. Que fait le peuple? Il la renverse, au lieu de s’attaquer a Bicètre, sa prison à lui.

Le 14 juillet 1789, d’un bout à l’autre de Paris, on se préparait au combat. Le mot d’ordre était: "A la Bastille" Tout le monde portait au chapeau la cocarde rouge et bleue.

Une foule immense s’était portée aux Invalides dont le gouverneur, M. de Sombreuil, parut à la grille en demandant "qu’on respectât en lui les droits de la fidelité".

<< On veut nous faire perdre notre temps! » crie une voix. A ces mots les sentinelles sont désarmées et le curé de Saint-Étienne-du- Mont, suivi de ses paroissiens, fait un des premiers son entrée. Camille Desmoulins, le Visage en sueur, les vêtements en lambeaux; revenant des Invalides, frappe la terre de la crosse de son fusil en s’écriant: "Nous sommes libres".

Depuis plusieurs jours le gouverneur de la Bastille, De Launay, (...)

Page 7

avait fait d`immenses préparatifs de défense. Le comité bourgeois (de l’Hotel-de-Ville ne voulut pas que le quartier Saint-Antoine restât ainsi sous la menace des canons de la forteresse; mais, d’un autre coté, il avait peur que le peuple ne se portât à de funestes excès. Il envoya donc Billeford, Belon et Chaton, trouver le gouverneur avec une mission conciliatrice. De son Coté, Thuriot de la Rosière, avocat au Parlement de Paris, et qui fut plus tard président de la Convention, vint, escorté de deux bourgeois armés, demander le gouverneur au nom du district Saint-Louis de la Culture. Il visita une partie de le Bastille et allait en sortir, lorsque le peuple, qui, lui, voulait la destruction de la trop célèbre prison, arriva en foule et fit entendre de terribles clameurs. Thuriot, qui parlait le langage de l’Hotel-de-Ville, commença une harangue qu’accueillirent de significatives imprécations.

Le siège commence. Des milliers de voix criaient : a Nous voulons la Bastille. Deux citoyens courageux se laissent glisser d’un toit et sautent dans la cour au-delà du premier pont-levis. Deux anciens soldats les imitent et brisent, à coups de hache, les chaines qui retenaient le pont. Restait le second pont-levis à franchir. La foule s’y porte et reçoit une terrible décharge de mousqueterie.

La fureur est a son comble. Deux mille soldats, sans uniforme, marchent au feu sous la conduite de Pierre-Auguste Hullin, et rejoignent les gardes françaises au moment ou ils entraient dans la cour du gouvernement. Santerre venait de mettre le feu dans des voitures pleines de fumier, et c’est à ce moment que l’abbé Fauchet "cerveau faible, coeur puissant, un de ces hommes qui vont à la folie en traversant l'héroisme" fit son apparition. Il n’avait point prononcé encore sa fameuse parole : << C'est l'aristocratie qui a crucifié Jésus. » Mais depuis longtemps déjà il s`était donné à la Revolution.

Un mot sublime éclata soudain et fut répété par tous : "Nos cadavres combleront les fossés!"

Puis. la lutte continua ardente, acharnée, jusqu’à ce que De Launay offrit sa capitulation. Les ponts sont alors baisses et le peuple se précipite a la suite de Hullin, Arne, Maillard, Louis Morin, etc.

Dans la cour la garnison est rangée en haie. Le gouverneur, qui, tout à l`heure, voulait faire sauter la Bastille, cherche maintenant à se poignarder. On l’en empêche. Puget, lieutenant du roi, disparait dans la foule.

Sur tous les visages se lit une curiosité avide. << Où sont les victimes ? » demande-t-on, et tout le monde se met à la recherche des prisonniers. Tous les coins sont visités, tous les cachots sondes. On découvre une foule d’instruments de torture d’une forme effrayante: des machines à percer les os, des corselets de fer qui prennent toutes les articulations.

A Versailles, le duc de la Rochefoucault-Liancourt fit réveiller Louis XVI pour lui annoncer cet évènement.

- << C'est donc une révolte, dit le roi. » - << Sire, fit le duc, c`est une révolution! »

Révolution qui sut nous débarrasser de l'odieux régime son devancier et nous préparer les voies que nous suivons librement aujourd'hui

Vive la République!

Page 8 (dernière de couverture)

PROGRAMME

A sept heures du matin
SALVE D'ARTILLERIE

A huit heures, cour de L’Ecole laïque
TIR A LA CARABINE

A midi Distribution de pain aux Pauvres

A une heure, place des Vieilles-Halles
MAT DE COCAGNE, ARCADES, JEUX DIVERS, DANSES MARAICHINES

A trois heures, place des Halles-Neuves
REVUE DU BATAILLON SCOLAIRE\\ Sous le commandement de M. A. AUGIS

A quatre heures, place du Champ-de-Foire

COURSES A ANESCOURSES EN SABOTSCOURSES EN SACS
TROIS PRIXTROIS PRIXTROIS PRIX

A cinq heures et demie
GRAN DE TOMBOLA
AU PROFIT DE LA BIBLIOTHÈQUE POPULAIRE
Prix du billet 25 Centimes.

A huit heures: RETRAITE Aux FLAMBEAUX
Groupes de cavaliers, Chars lumineux, Char grotesque,
Char de Bacchus, Char des Moissonneuses, Feux de Bengale

A dix heures FEUX D'ARTIFICE
Musique pendant la durée de la Fête