Cahier de Lucien Dodin père, page 35

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commissaire enquêteur - déclaré ne savoir signer - valet de grande maison - il faut bien continuer - ceux qui possèdent et qui contribuent

Ensemble des fac-similé

Rapport d'enquête, 19 septembre 1889

(ce rapport d'enquête n'est pas collé sur la page, il est juste inséré)

Mairie de Challans

L’an mil huit cent quatre vingt neuf, le dix neuf septembre à l’heure de midi, le soussigné Marotte, maire de Beauvoir, nommé commissaire enquêteur par arrêté de Mr le Préfet en date du vingt trois août 1881 à l’effet de faire une information qui permette d’apprécier les vœux de la population sur l’emplacement d’une église dont la construction est projetée par le conseil de fabrique de Challans.

Après avoir constaté que toutes les formalités d’affiche et de publication ont été remplies en temps voulu par les soins de Mr le Maire de cette commune, nous l’avons prié de nous remettre le dossier et autres pièces de l’enquête et lui avons déclaré vouloir nous faire assister de Mr Boncher comme secrétaire pour recevoir les intéressés individuellement dans le cabinet de la Mairie, réservant comme salle d’attente la salle principale.

Ensuite nous avons ouvert un registre qui est coté et paraphé et contient huit pages où ont été recueillies les dires des gens et leurs signatures, et ont été inscrites les personnes qui nous ont déclaré ne savoir signer, ainsi que nous avons requis sur même registre signatures des personnes qui nous ont remis des pétitions annexées aux présentes.

Après avoir reçu successivement quelques personnes,, Monsieur Léveillé, ancien pharmacien, fait irruption dans notre cabinet, nous interpelle violemment dit "l’enquête doit être publique" je lui répondis : veuillez sortir, vous serez entendu à votre tour, il réplique "c’est donc comme avant 93 le bon plaisir qui nous régît". Je ne puis que sourire en comparant intérieurement ce défenseur de l’autel et du trône qui, comme le personnage de la fable prends un pavé pour tuer une mouche sur la figure de son ami. Je lui intime l’ordre de sortir.

Ce monsieur, venu à son tour, voulut prendre connaissance des dépositions consignées au registre, encore que je lui ai dit que cela ne le regarde pas, en lui reprochant en termes très durs la grossièreté de sa conduite dans la salle voisine ou il venait d’avoir une violente discussion avec des personnes qui attendaient leur tour d’audience.

Ensuite, un monsieur dont je veux oublier le nom, me fait des observations aussi mal placées que désobligeantes, je lui impose silence en lui disant vous n’avez pas de profession avouable, vous êtes un insolent valet de grande maison.

Puis un homme de la campagne qui a dit "je désire que l’on fasse une église neuve si cela ne nous fait pas mettre d’impôts nouveaux. Monsieur le curé est venu me voir hier soir, m’a dit allez signer pour la reconstruction de l’église cela ne vous coûtera rien, est-ce vrai ?" Je lui montrai la délibération du Conseil de Fabrique où il est demandé 30000 francs à la commune en lui faisant observer que par la même délibération on supposait un produit sur les économies à venir , tout en proposant d’aliéner un capital du rente de 17000 francs, et d’emprunter 10000 francs, ce qui diminuerai les revenus de la fabrique de 6000 francs par an, qu’il est bon de défalquer de la probabilité des économies. L’homme est parti en disant "assez d’impôts comme cela".

Une femme de la campagne, à mise aisée, dit "Messieurs, je suis venue pour faire plaisir à notre pasteur qui a dit de venir pour l’église, mon mari est à la maison" et à la question posée, désirez-vous que l’église soit bâtie sur la route de Challans ou si vous vous contentez de l’ancienne église : "faites ce que vous voudrez, je suis venue pour faire plaisir à Mr le Curé."

Nous laissons à Messieurs les conseillers municipaux de Challans le soin de faire le dépouillement des signatures apposées sur les pétitions et notre registre, d’avance nous faisons nos résumés en tenant bonne note des observations fort judicieuses de personnes dont le témoignage ne peut être mis en doute qui nous ont dit : Vous recevrez des gens qui non seulement ne possèdent rien, mais encore beaucoup sont assistés par le bureau de bienfaisance. Nous faisons encore nos réserves sur les trop nombreuses femmes qui sont venu répéter comme beaucoup d’hommes cette sorte de leçon apprise "je demande que l’église soit dans le pré de Monsieur de Maguillé". Nous nous sommes abstenus de demander à ces femmes si elles étaient autorisées de leur mari dès le commencement nous étions édifiés par cette femme de la campagne qui nous a dit venir pour faire plaisir à Monsieur le Curé ; et ce qui nous a convaincu c’est une dame instruite qui a dit en signant : "je demande la construction d’une église neuve dans l’intérêt des catholiques et pour soutenir leurs droits."

Je laisse à Mr le Préfet et aux esprits indépendants le soin de tirer toutes les conclusions des propos cités ci-dessus.

En signant pour le déplacement de l’église, deux hommes âgés autrefois aux affaires, ont laissé aller des expressions de regrets. L’un dit "notre église n’est cependant pas vieille et elle est solide, celui qui l’a bâtie en a un certificat de satisfaction de la part de l’architecte ; malgré cela on veut en faire une autre, un monument cela coûtera cher, je ne la verrai pas finir mais ils le veulent. Hé bien je signe". Le deuxième : "je ne peux me déjuger ; j’ai souscrit pour la construction d’une nouvelle église – cela contera beaucoup c’est engager l’avenir il faut bien continuer".

Sur la fin de la séance, Monsieur le Curé est venu me prier si je voulais donner quelques heures le lendemain pour continuer l’enquête. D’accord avec Monsieur le Maire qui était dans la salle voisine, nous sommes convenus d’être le mardi de deux à quatre heures à la mairie de cette commune.

Puis notre séance a été levée à quatre heures du soir les jours mois et ans que dessus.

Signé : marotte

La mardi 22 du même mois, nous étions présents de nouveau à la mairie de Challans, nous avons reçu quatre pétitions et deux hommes qui ont demandé que l’église soit transportée sur le chemin de Soullans, lesquels nous ont déclaré ne savoir signer.

En faisant le dépouillement des pétitions, nous avons remarqué cette formule "proteste en contre contre les agissements de la commission dans l’accomplissement de sa mission". Nous nous déclarons peu étonnés par cette critique, considérant le peu de valeur de l’homme qui nous l’adresse.

Dans les pétitions qui sont au dossier, de bons arguments ont été développés pour et contre le projet de la Fabrique. Certainement que l’église actuelle ne pourra jamais être un beau monument, mais en la changeant de place, n’est-ce pas porter une grave atteinte aux intérêts des propriétés voisines ? Le dimanche et jours de fête n’est-ce pas là que se porte toute la population ; et ce quartier s’il n’a plus d’église ne verra que passer ceux qui ont affaire sur la route St Jean de Monts.

On objecte que Mr de Maguillé fait cadeau de son terrain pour la construction de la nouvelle église, mais il lui en reste suffisamment autour du nouvel édifice pour faire payer à ceux qui auraient le désir de bâtir largement ce qu’il abandonne gracieusement à la fabrique.

Ce qui inquiète à juste titre la population de Challans c’est la somme énorme à débourser et le nombre d’années qu’il faudra travailler pour se libérer de cette charge ; quoique veulent dire les pétitionnaires en faveur du projet de la Fabrique, ces sortes de travaux profitent plus aux ouvriers étrangers qu’à ceux de la localité.

Considérant que le déplacement de l’église de Challans serait une atteinte portée aux propriétés qui entourent l’ancienne sans procurer les avantages que présentent les pétitionnaires.

Considérant que si des constructions nouvelles se font, elles se porteront plutôt aux environs des champs de foire et de la gare que sur la route de Soullans.

Considérant que commencer une construction dont on ne peut évaluer encore le chiffre qui, selon toutes probabilités, doublera la somme de 298000 francs dont la valeur en caisse pour arriver à un achèvement n’est pas complètement réalisable,

Le commissaire enquêteur soussigné croit donc être le fidèle écho de la majorité des personnes qu’il a entendues ; s’il parle de ceux qui possèdent et qui contribuent aux charges qu’une commune est dans l’obligation de couvrir en disant que le déplacement de l’église serait une œuvre prématurée et une charge pour une commune où certainement des travaux d’une utilité moins contestable peuvent contribuer à la prospérité

Lettre du Préfet, 24 juin 1890

Copie (mais la mention ci-dessous semble de la main même du préfet)

Lettre que j’enverrai par le courrier de ce jour à Mr le Maire de Challans

Le Préfet (signé illisible)

Les Sables, 24 juin 1890

Monsieur le Maire,

Vous m’avez transmis une délibération du Conseil Mal de Challans en date du 18 mai dernier, émettant un avis favorable à la demande du conseil de fabrique de cette commune tendant à obtenir que la nouvelle église soit construite dans le jardin du presbytère en face de l’église actuelle à raison des difficultés que présente l’emplacement primitivement choisi.

Avant de se prononcer sur cette question de transfèrement de l’édifice religieux, il importe que Mr le Préfet ait sous les yeux :

1° Une délibération spéciale du Conseil de Fabrique établissant que les dépendances de la cure ne seront pas rendues trop exiguës par la construction de l’église et qu’on ne sera pas obligé dans l’avenir d’acquérir de nouveaux immeubles pour agrandir le logement du Curé et de ses vicaires ;

2° L’avis conforme du Conseil Municipal

3° Une déclaration du Curé conçue dans les termes ci-dessus indiqués et prenant l’engagement de se contenter de son habitation ainsi réduite ;

Lorsque vous me ferez parvenir cette déclaration et les délibérations du Conseil Mal et de la Fabrique vous aurez soin de joindre un plan des lieux indiquant le logement du Curé et les dépendances du presbytère et figurant par une teinte rose la partie dont la destruction est demandée. Ce, plan sera produit en double expédition.

Je dois vous dire que la délibération prise par le conseil de Fabrique le 14 mai 1890 et dont il est fait mention dans celle du Conseil Mal ne m’est pas encore parvenue.

Vous voudrez bien en joindre une expédition aux autres pièces de l’affaire.

Agréez Mr

Le Sous-Préfet

Signé : M Trinquet

Rapport d'enquête du 28 juillet 1890

Église de Challans

Procès verbal d’enquête

Avis du commissaire enquêteur

Le commissaire enquêteur,

Considérant que la présente enquête a pour but de rechercher s’il y a lieu de construire la nouvelle église dans le jardin du presbytère ; considérant que le terrain présente une solidité suffisante, d’après la déclaration des architectes et de l’entrepreneur ; que d’autre part cet emplacement touche presque celui de l’ancienne église et que, par conséquent, les habitudes de la population ne sont pas changées ;

Considérant que la réclamation contre le projet n’infirme nullement la valeur des considérations ci-dessus,

Est entendu que le terrain précédemment choisi manque de solidité et nécessiterait des dépenses excédant de beaucoup les ressources de la Fabrique,

Est d’avis

Que le projet soumis à l’enquête est le seul qui paraît admissible.

Certainement il est supposable que dans un avenir plus ou moins éloigné, la situation de l’Église, en rendant moins confortable l’habitation curiales, obligera à songer à un autre emplacement pour le presbytère ; mais les ressources de la commune de Challans nous semblent être au-dessus de ce léger sacrifice et l’on ne peut s’opposer au vœu de toute une population qui par son Conseil Municipal et son Conseil de Fabrique a affirmé son désir de faire les frais d’une église nouvelle réclamée depuis de longues années.

A Challans, le 28 juillet 1890

Le commissaire enquêteur

Mathieux (??) Daniau

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