Cahier de Lucien Dodin père, page 33

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écrire quelque niaiserie - Les instituteurs laïques - melons ou des cornichons - carotte des vertus

Ensemble des fac-similé

Publicateur mercredi 11 juin 1890

LES FÊTES DE LA ROCHE

Nous écrivions, jeudi soir, à propos du banquet offert par la municipalité au ministre de l'agriculture :

Nous nous plaisons à croire que la fête de dimanche ne sera pas une fête politique, mais, franchement, l'attitude adoptée vis-à-vis de nous et de nos confrères monarchistes serait de nature à faire supposer le contraire. En tout cas, nous verrons bien.

A l'heure qu'il est, nous voyons qu'il y a quelque naïveté, je serais presque tenté d'écrire quelque niaiserie, à compter sur le libéralisme républicain et sur la courtoisie de gens décidés, quoi que vous fassiez et quoi qu'il arrive, à donner un libre cours. à leurs passions politiques et à leurs haines de sectaires.

Cet esprit étroit, mesquin, cette intolérance jalouse et rancunière se sont affirmés, une première fois, lors de la distribution des récompenses.

La répartition des prix et médailles, en ce qui concerne l'Exposition scolaire, a été faite avec une partialité révoltante et un évident parti pris... Les instituteurs laïques ont vu pleuvoir sur eux les félicitations et les éloges...; pour ce qui est des congréganistes, ils ont dû se contenter d'une récompense dérisoire, témoignage ironique du mépris systématique en lequel on les tient.

Nous en dirons autant des décorations données par le ministre : ici encore, la politique seule, a dicté les choix. Nous ne contestons nullement les mérites de ceux dont les palmes académiques et le mérite agricole ornent aujourd'hui la boutonnière. Mais, combien à côté d'eux qui méritaient une distinction analogue et que la fidélité à des traditions et à des croyances également proscrites a rangés dans la catégorie de jour en jour plus nombreuse de ceux qui n'ont qu'un droit: se taire; qu'un devoir : payer !.

Pour ne citer qu'un cas, est-ce que M. Gauvreau, par exemple, dont les succès en matière d'élevage no se comptent plus, n'avait pas droit au ruban rouge? Est-ce que le gouvernement n'aurait pas honoré la Vendée et ne se serait pas honoré lui-même, en attachant sur la poitrine de ce lauréat de tous les concours la croix de la Légion d'honneur !

Et n'est-il

H. REMY DE SIMONY.

Publicateur mercredi 25 juin 1890

Un carottier décoré,

Certains journaux conservateurs ont crié au scandale parce que le docteur Dodin, de Challans. a été décoré du Mérite agricole, à la dernière exposition de la Roche,

"Comment, disait-on ! Un médecin !! Qu'a-t-il donc fait ? Qu'il soigne ses malades ; mais qu'il ne les traite pas comme des melons ou des cornichons!»

Nous venons rassurer le public et lui affirmer que M. Dodin s'occupe de culture et d'agriculture. Il a en effet un domestique qui plante, arrose les légumes du jardin, conduit le cheval au pré, fauche l'erbe à la saison... Ce n'est pas tout : M, le docteur a d'autres titres aux faveurs du Ministre des choses agricoles. Quand les clients lui laissent de doux loisirs, il cultive la carotte sur une grande échelle, la carotte avec ses innombrables variétés.

Par suite d'une indiscrétion que personne n'aura le courage de blâmer, nous savons de source certaine que M. Dodin a du goût pour les espèces suivantes :

1. Carotte rouge, dite Grelot,
2. Carotte rouge tardive.
3. Carotte rouge, sans coeur, affectée à la culture forcée.
4. Carotte à potage de L..., très résistante.
5. Carotte blanche, champêtre, fourragère.
6. Carotte rouge, longue, des vertus.
7. Carotte jaune, longue.
8. Carotte rouge vif, fine, sucrée.

(V. le catalogue de Cyprien Vallet, Maine-et-Loire), pages 10 et 11.)

M. le docteur connaît expérimentalement toutes ces variétés de carottes.

1° « Mettez dans l'urne le nom de ''l'homme capable de vous rendre le plus grand nombre de services et le plus disposé à défendre vos intérêts." Circulaire Dodin, 14 octobre 88. Quel génie! Il se croit réellement quelque chose, le brave homme, et il voudrait bien le faire croire... C'est pour cela qu'il embouche la trompette et sonne les grelots. Les électeurs de Challans n'ont pas toujours trouvé à leur goût cette carotte rouge, dite Grelot.

2° On sait par quel procédé M. Dodin a été élu conseiller municipal : en faisant semer à profusion des bulletins gommés, au dernier moment, avec ce mot d'ordre : "Les votes ne seront valables qu'avec les bulletins gommés." C'était la carotte de la dernière heure, la carotte tardive.

3° Le 19 février 1889, M. Herbert écrivait sous la signature de M. Dodin : "Les miens ont signé, il est vrai, une promesse de vente d'un terrain pour la construction d'une école, ils se sont engagés à vendre ce terrain un prix inférieur à celui des parcelles voisines". Notez que ce terrain de 30 ares, a été vendu 12,000 francs, c'est-à-dire sur le pied de 40.000 francs l'hectare et encore il ne s'agit que d'un bout de champ, situé dans un endroit où le commerce ne se portera jamais. M. Dodin et M. Herbert ont donc fait pousser là une carotte de 12,000 francs : Ce qui faisait dire au neveu d'un jardinier challandais : "Tonton, si nous en cultivions de cette espèce ?"

Douze mille francs ! Ce n'est rien pour les républicains, quand les contribuables doivent forcément payer et qu'il s'agit d'une école laïque, obligatoire. Voilà bien la carotte rouge, sans cœur, affectée à la culture forcée.

4° "M. Herbert, comme administrateur de l'hôpital, fait distribuer de la soupe aux indigents." Dodin, 23 février 1889.

D'ordinaire, cette soupe n'est servie qu'en temps d'élections et elle est destinée bien moins à nourrir les indigents qu'à les tromper. Elle est faite habituellement avec des carottes très résistantes, qu'on appelle, selon les circonstances, les carottes de Loup, d'Herbert ou de Dodin.

5° Quelques semaines avant les élections, M. Cantin et M. Dodin s'entendent pour faire des expériences d'agriculture ; ils plantent bien en vue, sur le bord des routes, soit aux Bretellières, soit du côté de la Proutière, des poteaux gigantesques avec cette inscription : Champ d'expériences, - on y lit par derrière : "Champ de carottes électorales et fourragères."

6° La 6e variété, c'est la carotte dite des vertus. Si M. Dodin la cultive celle-là, il n'en mange certainement pas. Il est trop peu ami de la vertu et de la vérité, pousqu'il a écrit, le 14 décembre 1888 : "Depuis huit années, notre commune a été endettée de 125,000 francs ; chaque conseiller coûte donc plus de 5,000 francs ; c'est accorder beaucoup de valeur à une fonction gratuite," - "Nous vous connaissons en caisse plus de 30,000 francs dont vous ne trouvez pas l'emploi," - 3 mai 1888.

Quelle contradiction et quels mensonges, M. Dodin! Mangez donc de la carotte des vertus !

7° "La liberté (du vote) vous la possédez et vous en userez sans redouter les menaces qui vous sont faites ; en retardant la 1re communion de vos enfants, ou en vous privant, vous journaliers, de vos travaux, ou en vous menaçant, fermiers, de la perte de vos fermes." Herbert-Dodin, 19 février 1889.

Si, à cette époque, les électeurs de Challans ont ri de bon cœur en voyant une belle veste électorale sur les épaules du candidat républicain, M. Herbert, lui rit, tout jaune, car avec du jus de carotte, on aurait pu inscrire sur son front malheureux : « Blackboulé perpétuel!

Il y a une espèce que M. Dodin n'a pu encore se procurer : C'est la carotte fine !

Elle n'existe qu'au catalogue page II. Il parait que le terrain du docteur n'est pas assez fertile pour la produire. Cette plante délicate ne vient que dans la terre vierge. Voilà pour les carottes!

Des mauvaises langues nous ont rapporté cette parole qu'elles prêtaient à M. Dodin : "Les paysans de Challans sont trop bêtes pour manger du foin ! Ils ne méritent que de la paille !" Quel agriculteur complet !

Il s'occupe aussi de foin et de paille...

C'est entendu ! Sur le socle de sa statue, un jour la postérité gravera ces deux vers :

Si Dodin fut jadis un mauvais jardinier
Il sut toujours agir comme un grand carottier !

L'Étoile de la Vendée dimanche 29 juin 1890

Cette première critique a un caractère en quelque sorte professionnel, et, je le répète, je ne me suis point permis de la « prendre sous mon bonnet », mais n'ai fait que l'emprunter aux diverses personnes, assurément fort compétentes, auxquelles je l'ai entendu formuler la semaine dernière. - En voici une seconde d'un autre genre, relative à la répartition de ces récompenses complémentaires et purement honorifiques, qu'on appelle les décorations du Mérite agricole, et qui passent pour être le prix des meilleurs services rendus à l'agriculture ou à l'élevage.

Que les expositions régionales soient une occasion de distribuer aussi largement que possible ces sortes de récompenses, rien de plus naturel assurément, ni de plus légitime. Ces petits hochets dont s'amuse la vanité humaine, et qui la flattent, ont leur bon côté, et ce n'est point moi qui voudrais en tourner le principe en ridicule. -- Mais c'est à la condition, toutefois, qu'on n'en fasse pas la répartition avec une partialité par trop criante, qu'on les décerne au contraire au vrai mérite, et qu'on évite de donner à leur distribution le caractère de simples manifestations politiques. Car si les décorations agricoles devaient être seulement la menue monnaie destinée à récompenser des services électoraux plus ou moins suspects, c'est alors vraiment qu'on tomberait dans le ridicule. Cela tournerait à la plaisanterie, et le public impartial, qui comprend jusqu'à un certain point que le gouvernement réserve les places rétribuées à ses amis, ne verrait plus qu'une simple fumisterie dans une institution détournée de son but par de mesquines considérations de parti qui n'ont assurément rien de commun avec l'agriculture. L'Ordre du Mérite agricole ne serait plus dès lors, aux yeux de l'opinion, qu'une mauvaise farce, et, en le prodiguant ainsi exclusivement à ses agents électoraux, le gouvernement, loin de recommander ceux-ci à la considération de leurs concitoyens, ne parviendrait qu'à les faire montrer au doigt et à leur créer une situation ridicule.

Or; c'est malheureusement ce que les détenteurs actuels du pouvoir sont en train de faire, ainsi que nous en avons eu la preuve l'autre jour, à la cérémonie officielle de la distribution des récompenses, - et ça été un immense éclat de rire lorsqu'on a entendu proclamer la nomination de M. le docteur Dodin, de Challans, comme chevalier du Mérite agricole...

Que M. le docteur Dodin soit un excellent médecin, je n'y contredirai point, n'ayant jamais eu l'occasion de faire connaissance avec sa lancette, ni d'expérimenter l'efficacité de ses pilules... Je suis même convaincu, si l'on veut, qu'il n'a jamais tué aucun de ses malades... - Mais après ?.. - Hippocrate lui-même, – sans comparaison bien entendu! - qui refusa jadis les présents d'Artaxerce, eût sans doute bien ri, s'il fût venu à l'idée des décorateurs de son temps de lui décerner une médaille agricole quelconque!.. — Qu'on eût fait à l'Esculape challandais — s'il est réellement aussi bon médecin qu'on le prétend à la préfecture? — une réclame flamboyante et gratuite à la quatrième page des journaux, dans le genre de celle des Purgatifs Géraudel,., soit! Mais décerner les palmes agricoles à cet illustre inconnu, dont aucun cultivateur vendéen n'avait encore entendu prononcer le nom, — alors surtout qu'on laisse de côté des agriculteurs comme MM. de Ponsay, Blay et tant d'autres ! — voilà qui dépasse les bornes de la plaisanterie ! Et c'est à se demander, vraiment, si cette institution du Mérite agricole, un instant ridiculisée sous le nom d'Ordre du Poireau, ne serait point tout simplement..... l'Ordre de la Carotte?

(A suivre):

Henri Bourgeois

L'Étoile de la Vendée dimanche 29 juin 1890 (suite)

PRESSE départementale

Le pavé de l'ours

Dans notre numéro du 15 Juin nous faisions mention des quinze primes que M. Gauvreau venait de remporter au Concours régional de la Roche, et faisant allusion aux huit primes d'honneur que l'intelligent éleveur d'Angles a remportées dans huit Concours régionaux, nous ajoutions :

"En face de cette nomenclature qui n'est d'ailleurs que la suite des nombreux triomphes remportés depuis plusieurs années par M. Gauvreau dans tous les concours régionaux, nous nous demandons comment des médiocrités aussi effacées que Messieurs Angeard, Dodin et consorts, ont reçu des récompensés sans que personne sache comment il les ont méritées, tandis que des hommes ayant rendu à l'élevage vendéen de si glorieux services, n'ont reçu des pouvoirs publics aucune marque de distinction.
Et l'opinion publique proteste contre une si criante injustice."

Le Libéral qui ne laisse pas échapper une occasion de commettre une bourde proteste à son tour ; pour lui les services rendus à une industrie et à un département ne sont rien, si celui qui les rend n'est pas agréable au gouvernement de la République, Ecoutez-le: "Je suis persuadé que pareille faveur ne sera pas accordée par le gouvernement de la République en Vendée."

Et voilà les hommes qui se targuent d'être des hommes de justice et d'impartialité !

L'étrange assertion du Libéral n'est-elle pas la constatation la plus cynique de la pourriture d'un régime sous lequel les services rendus à la chose publique ne sont rien, tandis que l'aplatissement devant la Marianne tient lieu de tout mérite.

Mais ce qu'il y a de plus joli dans la note du Libéral c'est qu'il jette sur la tête de M. Gendreau commerçant en bestiaux au Poiré, un pavé de fort calibre : écoutez-le encore : Croyant décocher un trait de l'honorable M. Gauvreau, Narquet dit : "Il a eu des procès retentissants et dont le dernier avec M. Gendreau n'a pas été un des moins curieux."

Or le seul fait retentissant du procès. est précisément la condamnation de M. Gendreau qui. si nos souvenirs sont exacts, prétendait avoir payé à M. Gauvreau une somme de 1555 francs, alors que M. Gauvreau démontrait par les dépositions de plusieurs témoins que ce paiement n'avait jamais eu lieu.

Et il a fallu que le droit de celui-ci fut péremptoirement établi, puisque le tribunal de la Roche, qui n'a certes aucune tendresse pour les citoyens soupçonnés de tiédeur envers la Marianne a condamné M. Gendreau à payer non seulement la somme réclamée mais encore les intérêts échus depuis le jour de la vente.

Nous n'avons pas l'honneur de connaître M Gendreau, mais nous le plaignons d'être tombé dans les mains de Narquet, lequel on le voit ne craint pas de jeter les pavés de l'ours à tort et à travers.

A. D.

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