Cahier de Lucien Dodin père, page 27

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républicains challandais - l'argent du Bureau de bienfaisance - ALTÉRÉ LA VÉRITÉ - graine de carottes

Ensemble des fac-similé

Tract du 6 février 1889

Challans, le 6 Février 1889.

A MESSIEURS LES ÉLECTEURS DE LA COMMUNE DE CHALLANS

Messieurs et chers Concitoyens,

Au mois de Novembre dernier, nous vous l'avions bien dit : Les chefs de nos républicains challandais ne veulent pas vous laisser tranquilles.

En multipliant les élections sans motif valable, ils prétendent lasser votre patience, vous empêcher de venir en grand nombre au scrutin, et, de la sorte, bus imposer des hommes qui ne partagent ni vos idées, ni vos sentiments, et que vous avez déjà rejetés plusieurs fois.

Si encore ces hommes pouvaient se flatter de rendre service au public et protéger vos intérêts ! Mais c'est le contraire : ils ne sauraient que les compromettre. Nous en trouvons une preuve convaincante dans un fait récent.

A force d'instances, nos républicains challandais ont décidé M. le Préfet, malgré notre Conseil municipal, à imposer d'office la construction d'une école de garçons. La dépense ne sera pas inférieure à 50,000 francs, ce qui, joint aux frais de restauration de l'école actuelle de l'instituteur laïque, nécessite impôt de près de dix centimes par franc pendant 30 années.

Remarquez que la nouvelle école est absolument inutile, puisque celle qui vient d'être restaurée pourrait contenir 30 ou 40 élèves de plus que n'en a l'instituteur laïque.

Oui, la construction brutalement imposée est inutile pour la population en général, mais elle est très avantageuse pour certains particuliers. Demandez tôt à M. Herbert et à sa famille.

Les heureux possesseurs du champ qui appartenait autrefois à M. Leroux, Commequiers, non contents de faire payer 700 francs à la Commune pour le loyer de l'école laïque de filles qui vaut à peine la moitié de cette somme, a vendu à M. le Préfet, aux frais des contribuables, malgré la protestation Conseil municipal, 30 ares d'un terrain d'ailleurs mal situé, pour la somme énorme de 12,000 francs, c'est-à-dire à raison de 40,000 francs l'hectare. Vous en conviendrez avec nous, Messieurs et chers Concitoyens, si les personnages en question ne font pas vos affaires, ils font au moins les leurs, et que si les intérêts publics ne sont rien à leurs yeux, ils se montrent très sensibles à leur intérêt personnel. Le moment est bien choisi vraiment pour imposer à la Commune de si lourdes charges le commerce, l'industrie, l'agriculture souffrent, sont aux abois. N'importe ! On ajoute beaucoup aux impôts qui nous écrasent, et on on prépare pour l'avenir. Avec ce système, où allons-nous?

Pourquoi tant de folles dépenses ? Quel but poursuivent donc les partisans de la ruine publique, comme on les a justement nommés ?

Un journal le rappelait dernièrement encore : on veut détruire les écoles des frères et des Religieuses, confier l'enseignement de l'enfance aux seuls instituteurs et institutrices laïques, et supprimer ainsi jusqu'à la simple notion de l'Evangile et des devoirs chrétiens.

Avec de telles intentions, avec de pareils procédés, on ne mérite pas l'honneur de siéger au Conseil municipal de Challans, pas plus qu'on ne mérite les beaux titres d'hommes charitables, d'amis du peuple et de frères des pauvres, en servant de la soupe électorale, payée avec l'argent du Bureau de bienfaisance et de l'hôpital, c'est-à-dire avec le bien des indigents eux-mêmes.

ÉLECTEURS,

Vous savez ce que représentent les deux candidats qui sollicitent vol suffrages. A vous de choisir !

Allez courageusement au scrutin.

Ne craignez pas les vaines menaces. Gardez-vous de croire à des calomnie comme celle que l'on trouve dans la précédente circulaire de M. Dodin, lequel en pleine séance du Conseil, A ÉTÉ CONVAINCU D'AVOIR ODIEUSEMENT ALTÉRÉ LA VÉRITÉ.

Devant ce reproche aussi humiliant que mérité, le pauvre homme a courbé la tête, n'ayant pas trouvé un seul mot à répliquer.

ÉLECTEURS,

VOUS NE VOTEREZ DONC PAS POUR DES HOMMES QUI SEMBLENT MOQUER DE VOUS ET DE VOS INTÉRÊTS LES PLUS CHERS.

VOUS VOTEREZ EN MASSE POUR LE CANDIDAT CONSERVATEUR RELIGIEUX,

M. P. MASSONNEAU.

Le Comité Conservateur de Challans

L'Étoile de la Vendée

UNE CAROTTE DE... 12000 FRANCS

Un électeur de Challans nous a adressé la question suivante :

"Les républicains qui veulent à toute force entrer dans le Conseil municipal, bien que les électeurs les aient déjà repoussés plusieurs fois, nous présentent comme candidat le citoyen Herbert, ancien notaire.

Puisque ce Monsieur veut s'occuper des affaires municipales, c'est que probablement il est dévoué aux intérêts de notre commune, et prêt à faire des sacrifices pour elle.

Mais, comme un autre républicain, le docteur Dodin, nous a déjà mis dedans aux dernières élections avec sa circulaire, et avec la ruse des bulletins gommés, nous ne voulons pas être encore dupés cette fois-ci. - Aussi, avant de voter pour le citoyen Herbert, nous voudrions savoir ce qu'il a déjà fait dans l'intérêt de la commune, s'il est généreux et bon patriote.

On parle ici d'un champ de trente ares qu'il a vendu douze mille francs à la commune : et comme c'est épouvantablement cher, vu que le terrain ne valait guère plus de 6,000 francs, je voudrais bien que vous me donniez quelques renseignements sur cette affaire là, car si c'est vrai, je veux que le diable m'emporte si moi et mes amis nous votons pour lui. »

Nous avons répondu à notre correspondant :

M. Herbert était en effet propriétaire d'un champ qui lui a donné l'occasion de montrer sa générosité et son patriotisme : Vous allez voir comment :

Il y a deux ans, au moment des grandes manœuvres militaires, ce terrain fut choisi pour servir de parc à l'artillerie: justement, par une fatalité imprévue, le propriétaire venait d'y semer du trèfle. La plante fourragère sortait à peine du sol que déjà, parait-il, les maîtres du champ comptaient dans leur tête les profits que leur vaudrait sa future récolte. Hélas ! ce rêve s'évanouit comme celui de Perrette. Après le passage des canons et des chevaux, du trèfle il ne resta aucune trace. Au fond le préjudice était minime, car le semis effectué n'avait point acquis de valeur, et l'on pouvait faire un semis nouveau. Tout se bornait donc à la perte de quelques kilos de graine, pure bagatelle, dont un patriote aussi généreux que le citoyen Herbert ne devait pas tenir compte.

Ainsi ne pensèrent pas les exigeants propriétaires qui réclamèrent une indemnité, d'après les uns, de 120 fr., d'après d'autres de 35 fr L'intendant militaire se fâcha en jetant à la face d'Herbert ces paroles méritées : Monsieur, on m'avait pourtant dit que vous étiez patriote! » - Ah ! oui, jusqu'à la bourse ! - L'intendant offre un franc... puis huit francs qui sont refusés. Faute d'accord, les parties durent comparaître en justice de paix. Là, par l'entremise du magistrat conciliateur, une transaction fut conclue, aux termes de laquelle le montant de l'indemnité fut fixé à la somme de 20 francs. Mais déjà le demandeur avait touché un versement d'une toute autre nature: car pendant les préliminaires du traité, le président de la commission justement surpris de se voir pour une bagatelle traîné en justice, tandis qu'il s'était entendu à l'amiable avec de simples fermiers pour dégâts plus sérieux, le président de la commission, dis-je, avait payé notre personnage en une valeur qui n'était pas de métal.

A la suite de cette mésaventure, M. Herbert eut une idée de génie ; le trèfle ne lui réussissant pas, il se dit : « Je vais ensemencer mon champ en carottes qui trouveront facilement un emploi dans le potage électoral que le bureau de bienfaisance doit offrir aux indigents.

Et notre homme s'en allait acheter de la graine de carottes, lorsqu'il eut l'idée de consulter M. le Préfet qu'il savait expert en la matière, et de lui demander quelle est la meilleure espèce de carotte.

Peuh ! » répondit M. Edmond Robert : « J'en connais une qui est de longue taille et de belle venue : les contribuables de Challans la trouveront peut-être un peu salée, mais il faudra bien qu'ils l'avalent au nom de la République. »

Et c'est ainsi que l'honorable M. Herbert vient de récolter dans son champ cette splendide carotte de 12.000 francs dont les contribuables paieront le bouillon pendant trente années moyennant une forte augmentation d'impôts.

Aussi les électeurs qui vont payer cette augmentation d'impositions chez le percepteur de Challans, sont justement irrités de cette avidité toute républicaine, et s'en vont répétant à qui veut les entendre : Jamais nous n'enverrons le citoyen Herbert au Conseil municipal; et nous ne confierons pas nos intérêts à un homme qui a spéculé si avidement sur les deniers de la ville.

Qu'il continue donc à faire ses petites affaires, à cultiver ses carottes avec M. le Préfet. Déjà il exige de la commune 700 fr. pour loger l'institutrice dans le "château de Cartes" dont le loyer ne vaut pas la moitié de cette somme : tous les revenus de la commune pas seraient à engraisser ce bonhomme là : il de manderait peut-être des appointements de conseiller municipal, et ça nous coûterait trop cher. Nous ne voterons donc pas pour lui'''.

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