ALAVAL

La Légion Russe

En mars 1919, Marthe Lefèvre indique dans une lettre : « quand il y a un an sont arrivés dans notre ville des soldats russes ». Le régiment de Serge arrive donc à Laval vers le mois de mars 1917.

Mes recherches personnelles

Les Russes à paris 1915-1939, Autrement, Hélène Menegaldo.

``En revanche, c'est un sort bien différent qui attends le corps expéditionnaire russe de 44000 hommes, dotés d'ambulances et de personnel médical qui, arrivé en France l'année précédente, restera bloqué au moment de la révolution d'octobre 1917.

Regroupés au camp de la Courtine, dans la Creuse, les soldats se révoltent et sont bombardés par l'artillerie russe loyaliste. Après cette ``pacification'', 3000 mutins sont envoyés aux travaux forcés en Afrique du Nord, les autres, convertis en travailleurs, sont dispersés dans l'hexagone. Un certain nombre de ces anciens soldats resteront en France.

Hélène Menegaldo cite R de Pontify - guide des russes en France Paris, Horay, 1990 :

Le 14 juillet 1916, les troupes du corps expéditionnaire russe "participent au défilé sur les Champs Élysées et sont acclamés par la foule. mais, [trois ans plus tard], la légion russe, qui se battit aux cotés de l'armée française jusqu'à la fin de la guerre, malgré la capitulation de la Russie, est oubliée lors du défilé de la victoire".

En 1918, les russes soupçonnés de sympathie révolutionnaire sont regroupés dans des camps comme celui de Précigné dans la Sarthe.

Les spécialistes

Les achives

Sur la situation à Laval, j'ai reçu la lettre suivante :

Bonjour, j'ai lu avec intérêt l'histoire de votre grand-père maternel. Cette histoire est tout à fait mystérieuse et en tout cas dramatique. On peut tout imaginer, de la fuite pour une faute minime à une véritable histoire d'espionnage. Avez-vous essayé de demander aux Archives départementales à Laval des indications ? On doit pouvoir savoir quelles étaient les unités étrangères stationnées en France, grâce à la correspondance du préfet, toujours tenu au courant des déplacements de troupe par l'état-major français et susceptible d'avoir des contacts avec les états-majors étrangers (voir aux Archives départementales les archives du préfet, de son cabinet en série M, pour la correspondance de la période qui vous intéresse et en série R pour les archives relatives aux affaires militaires). Une autre piste : les russes, surtout ceux pouvant avoir eu des contacts avec Trotsky ,ont été surveillés par la police française : on peut exploiter les archives de la police dans le département (série M à nouveau), mais aussi aux Archives nationales (j'y ai consulté le dossier de filature de Lénine à Paris). Les archives de la chambre de commerce, si elles ont été conservées aux Archives départementales (les CCI sont assez négligentes avec leurs archives anciennes) devraient donner des informations sur le café dont vous parlez.

La lecture du journal local, si on en a la patience (toujours aux AD) peut vous donner une information très intéressante sur les troupes russes à Laval. Les Archives départementales de la Mayenne ont un site internet. Le conservateur s'appelle Joël Surcouf. Il ne vous fera pas les recherches, ce n'est pas son rôle (chacun fait ses recherches, dans les services d'archives), mais il pourra confirmer et compléter les pistes que je vous suggère. Dans un second temps vous pourriez voir avec les Archives nationales et le Service historique des armées Vous pourriez aussi passer par les généalogistes amateurs . Les amateurs généalogistes d'Amérique du sud sont très désireux d'avoir des correspondants en France. Il existe un système d'échange de recherches entre généalogistes sur le net, l'entraide généalogique : cela permet de faire faire des recherches à distance ou de se trouver des contacts qui vous "dépannent" sur une question ou une autre, sous réserve de leur faire des recherches à eux aussi. Nadine Gilbert, conservateur Archives départementales des Pyrénées-Orientales).

Voici la réponse de Mr Surcouf :

DIRECTION DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES

Laval, le 4 avril 2000

RÉF. : n° 2000/368/ES

Recherche effectuée par: Edith Surcouf.

Objet : Légion russe à Laval.

Réf. : Votre lettre du 17 mars 2000

Monsieur,

En réponse à votre lettre citée en référence, voici quelques éléments d'information relatifs à la présence d'une Légion russe à Laval. En 1916, un corps expéditionnaire russe d'environ 20 000 hommes est envoyé en France, à la demande du gouvernement français. Lorsque éclatent en Russie les troubles révolutionnaires, les soldats russes sont écartés du front et affectés à des travaux civils dans diverses bases dont celle de Laval. Il est cependant décidé de reformer de nouvelles unités combattantes : la Légion des Volontaires russes. En janvier 1918, les premières compagnies de volontaires sont logées à Laval. La guerre finie, les soldats russes sont rapatriés. Seuls quelques dizaines d'entre eux se fixent en France. Cet épisode de la Première Guerre mondiale est étudié dans l'ouvrage de Rémi Adam : Histoire des soldats russes en France (1915-1920) : les damnés de la guerre, L'Harmattan, 1996, 384 p.

Bien que contesté par les spécialistes, cet ouvrage est actuellement le seul accessible en français sur la question. La vie de ces soldats à Laval est également évoquée dans l'article de Marie-Claire Mussat : Le compositeur Paul Le Flem et les Russes : de Moscou en Mayenne et dans la Sarthe, paru dans "L'Ouest et la politique : mélanges offerts à Michel Denis", Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 45-57.

Les Archives départementales de la Mayenne possèdent peu de documents sur le passage des soldats russes à Laval, hormis un petit dossier coté E-dépôt 96/1494. L'essentiel des archives concernant cette base est conservé au Service historique de l'Armée de Terre (Pavillon des Armes, Vieux-Fort, Château de Vincennes, B-P- 107, 00481 Armées, tél. : 01 41 93 34 33) ; il est cependant nécessaire de connaître le nom du régiment pour pouvoir y entreprendre des recherches.

Mademoiselle Victoria Prozorova, archiviste stagiaire à l'École du Patrimoine à Paris et auteur en Russie d'un mémoire sur l'administration militaire russe en France de 1916 à 1920, à qui j'ai soumis votre recherche, se propose de vous envoyer quelques informations supplémentaires à votre adresse électronique.

Restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

Le livre de Rémi Adam

Le livre de Rémi Adam est un point essentiel pour nos recherches. R. Adam semble en effet s'ètre spécialisé dans l'étude des soldats russes en France, ce qui rejoint directement notre sujet. Je lui ai écrit à ce sujet :

Ma lettre

Jean-Daniel Dodin, 22 rue Maryse Bastié, 31270 Cugnaux, e-mail : jdanield at dodin.net

R. Adam, (adresse masquée pour la version en ligne)

Monsieur,

Je viens de lire avec beaucoup d'intérêt votre livre sur les soldats russes en France.

Quand, vers 14 ans (j'en ai aujourd'hui 54), je lisais avec admiration la description par Trotsky de la guerre civile russe, je n'imaginais pas que j'aurais à me replonger dans cette histoire quarante ans plus tard pour des raisons familiales.

J'ai connu mes grand-mères, mais pas mes grands pères et cela ne m'avait jamais paru surprenant (la mort des ``vieux'' parait toujours normale aux enfants). Puis un jour, j'ai appris que mon grand père maternel avait disparu, mais ni ma grand-mère ni ma mère n'aimant en parler j'ai respecté leur discrétion.

Ce n'est donc que très récemment, pour les 80 ans de ma mère, que celle-ci a accepté de me communiquer tous les documents en sa possession et de les rendre publics. J'ai donc créé une annexe à ce sujet sur mon site internet où vous pourrez la consulter si vous le désirez (www.dodin.net/serge).

Mon grand père, selon ses dires, était le fils d'un paysan aisé de la région d'Odessa et en 1914 il se trouvait étudiant à Paris.

Comme tel, il fréquentait la communauté russe et ukrainienne, dont faisait partie Léon Trotsky - et nous voilà dans l'histoire.

Comme vous le relevez dans votre livre, la mutinerie des troupes russes à Marseille, ainsi que le congrès de Zimmerwald ont servi de prétexte à l'expulsion de Trotsky. Mon grand-père prétendait avoir été expulsé en même temps que Trotsky, mais mes recherches récentes montrent que cette expulsion a eu lieu vers le 11 octobre 1916 et ``en douce''. L'arrété d'expulsion ne mentionnait pas non plus d'autre personne que Trotsky.

Cependant j'imagine volontiers que les sous-fifres ont du bénéficier de mesures du même ordre dans cette période 14 septembre - 15 octobre 1916. J'essaie de faire des recherches dans les archives de la commission Durkheim, mais, habitant près de Toulouse, cela n'est guère facile.

Nous n'avons plus aucune trace de mon grand-père après cette date jusqu'à son arrivée à Laval début 1918. C'est là que vous pouvez être intéressé.

En effet, nous connaissons ces événements par le témoignage de ma grand-mère et surtout nous avons conservé des brouillons de lettres. Ma grand-mère et sa mère tenaient alors un petit café rue St André, à Laval. Elles ont fait la connaissance de mon grand père qui faisait, disait-il, partie de la Légion Russe et qui a été adopté dans la famille.

Avant de lire votre livre, je n'avais pu réunir aucun renseignement sur cette ``Légion Russe'' et surtout je n'imaginais pas l'état de déliquescence de cette armée, la discipline de fer qui y régnait et les événements dramatiques qu'elle avait vécu au camp de La Courtine.

Au vu de ces éléments, la liberté de mouvement de mon grand-père ne laisse pas d'être étonnante. Elle montre en tout cas, me semble-t-il, qu'il devait à son emploi d'interprète (il parlait le russe, l'ukrainien, le turc, le français et l'anglais), des privilèges qui montrent qu'il devait se trouver tout près du commandement.

Il fait part, dans une de ses lettres, de graves scrupules de conscience suite à un ordre de mon colonel. Je me suis longtemps demandé de quoi il s'agissait, je pense aujourd'hui qu'il avait dû participer à la répression de la mutinerie de La Courtine.

Bien que membre de la Légion Russe jusqu'en juin 1919, il n'est, semble-t-il, jamais monté au combat pendant cette période et il devait donc être effectivement très proche de l'état major.

Sa photo - qui est sur mon site - ne montre aucun galon sur son uniforme, j'ignore donc tout de son grade. Ce qui est sur c'est qu'il s'était engagé sous un faux nom. Il se faisait appeler Serge Kemaletdinoff et son vrai nom est peut-être Serge Emiroff.

A lire votre livre, j'apprends que, à cette époque, les identités de fortune étaient nombreuses dans les troupes russes. J'ignore absolument comment mon Grand-père a été incorporé dans ces troupes et si sa fausse identité date de son incorporation ou est plus récente.

Mon grand-père se sentait très mal dans sa peau. Son expulsion comme complice de Trotsky - en opposition avec ses origines bourgeoises, il a toujours affirmé être apolitique - était certainement incompatible avec sa position à l’État major de la Légion russe et s'il avait été découvert il aurait sans doute été pris pour un espion.

Fin juin 1919, persuadé d'être arrêté, il s'enfuit vers l'Espagne. La dernière lettre de lui que nous possédons date de Valparaiso, le 15 décembre 1919.

En effet, ma grand-mère, enceinte, avait déménagé.

Je suis donc à la recherche de tout renseignement qui me permettrait d'identifier mon grand-père, son régiment, sa famille et peut-être apprendre ce qu'il est devenu.

Tout les documents intéressants que je possède figurent sur mon site internet (transcriptions et fac-similés). Si vous aviez besoin pour quelle que raison que ce soit de facsimilé haute résolution, je peux vous les faire parvenir sur cdrom (il n'était pas possible de mettre des images aussi ``lourdes'' sur internet).

Sincèrement votre

Des extraits du livre

(en italiques mes remarques)

La légion russe, ou Légion des Volontaires Russes est vue par les responsables français comme un moyen de renvoyer au combat les soldats russes.

Combattre sur le front français sans soviet, travailler "volontairement" sur le territoire français ou être déporté en Algérie, tels sont les "choix" proposés à l'ensemble des contingents russes à l'automne 1917.

Création de la base de Laval

Les cadres administratif et juridique de ces nouvelles formations sont mis en place après la création en décembre 1917 de la Base de Laval, chargée de l'administration des contingents russes. Les commandants de la base furent le général Zankévitch, le général Lokhvitski puis le général Brulard, ancien chef du corps expéditionnaire des Dardanelles à partir de juin 1918.

Le mois de janvier 1918 ouvre une nouvelle période pour l'ensemble du corps expéditionnaire russe. A cette date, tous les soldats ont été envoyés dans les différentes compagnies de "travailleurs volontaires" et de "travailleurs forcés", ou sont allé former les premières unités combattantes de la Légion des Volontaires russes.

Les effectifs

Les effectifs des compagnies de travailleurs ne connaissent que de faibles variations. Dés la création de la base de Laval, les Russes ont été répartis dans 31 compagnies situées dans les diverses Régions militaires du territoire français et de la Zone des Armées.

Fin novembre 1917, 2681 soldats, tous issus de la 1ère brigade, avaient rejoint les premières formations de travailleurs. Au début du mois de janvier 1918, ils sont déjà prés de 11000, provenant à part égale des deux camps du Coumeau et de La Courtine. En février de cette même année, les effectifs culminent à 14249 travailleurs, suite à l'arrivée de certains éléments prélevés dans les unités dissoutes à Salonique. A partir de cette date, leur nombre oscille pendant l'année 1918 et 1919 entre treize et quatorze mille. Il faut attendre le printemps 1919 et les premiers rapatriements pour que ce chiffre soit réduit progressivement.

La majorité de leurs membres provient du camp du Courneau, c'est-à-dire des régiments de la 3ème brigade, à l'exception notable de quelques compagnies, dont la compagnie 7/7, étiquetée comme "maximaliste" lors de sa formation en décembre 1917, et de la compagnie 7/8 dans laquelle ont été incorporées plusieurs dizaines de soldats libérés de l'île d'Aix.

Cette dernière unité a d'ailleurs établi une sorte de record en matière d'évasion, puisque en mars 1918 elle recense officiellement 248 déserteurs... sur un total de 523 membres.

La solde, l'identité

Il convient tout d'abord de souligner la situation particulière des soldats de la 1ère brigade et du dépôt au cours des premiers mois de 1918. Ces quelques neuf mille hommes n'ont en effet perçu aucune solde depuis le mois de mai 1917. Il faut attendre la fin du mois de janvier 1918 pour qu'ordre soit donné au général Zankévitch de payer les arriérés de solde. Mais cette décision n'est appliquée que très lentement et partiellement. Le commandement se heurte à d'énormes difficultés pour établir la provenance exacte de chaque soldat, car nombre d'entre eux, redoutant des poursuites, ont fourni de faux renseignements sur leur identité. Certains sous-officiers ont même caché leur grade ``par esprit de crainte envers leurs camarades", ou parce qu'ils étaient convaincus que les soldats étaient désormais "égaux". La base russe de Laval occupe encore six secrétaires au mois d'août 1918 à établir la liste exacte des ayants droits...

Les interprètes

Dans nombre de cas les soldats se portant malades sont tout simplement accusés de vouloir tirer au flanc et sont l'objet de sanctions disciplinaires pour "désobéissance". A cette faiblesse de moyens et à cette attitude générale des gradés français à l'égard des Russes, il faut également ajouter l'absence presque totale d'interprètes dans les compagnies.

Le départ des officiers

Le 5 février 1918, le général Zankévitch remet le premier sa démission, en transmettant le commandement en chef des troupes russes au général Lokhvitski. Au mois de juin 1918, ce dernier, alors commandant de la base russe de Laval se démet à son tour de ses fonctions. Ce départ est interprété, selon les termes mêmes du général Brulard, comme une "défection de leur chef' par les officiers et comme un "soulagement" par la troupe. Dans les jours qui suivent, tous les officiers supérieurs russes offrent "d'un bloc" leur démission. Il faut toute l'insistance du colonel Barjonet pour les faire revenir sur cette décision.

A l'été 1918, les services de la base de Laval sont également réorganisés : des organes "mixtes" sous commandement français se substituent aux organes "russes". La même politique prévaut au sein des compagnies de travailleurs.

Liberté limitée

Les dispositions générales du gouvernement définies par l'instruction de septembre 1918 sont les suivantes : autorisation pour les travailleurs de circuler dans un périmètre autour de leur cantonnement et des chantiers de travail ; surveillance des relations avec les troupes et la population ; interdiction des cafés et des cabarets. L'intervention des troupes françaises avec leurs armes est prescrite en cas de refus collectif d'obéissance.

Un certain nombre de travailleurs isolés, non suspects de "sympathies bolchevistes" ou de "maximalisme" parviennent à nouer quelques liens plus étroits avec des Français des localités voisines de leur cantonnement. Certains s'y font des amies, d'autres fréquentent les maisons closes. Mais ces relations, qui se concluront parfois par un mariage, demeurent très rares. Et pourtant...

"Les bourgeois avaient peur que nous autres socialistes nous contaminions ces demoiselles par nos idées actuelles, écrit un travailleur à ce sujet ". (juin 1918)

Pour assurer les tâches de commandement les officiers devaient initialement être assistés d'un certain nombre d'interprètes.

Mais ceux-ci sont à peine seize pour toute l'Algérie en octobre 1918. La division d'Oran, pourtant forte de 2 300 Russes, ne dispose en mars 1919 que d'un seul officier français parlant russe !

Cela peut expliquer que Serge, interprète, ai bénéficié de nombreux privilèges.

Courant janvier, les premières compagnies de volontaires mises sur pied sont logées à Laval, après que ses membres aient signé l'engagement suivant :

"Je m'engage à servir dans les rangs de la Légion Russe de France et à me soumettre aux règles de la discipline qui y sont observées, c'est-à-dire les règles de discipline militaire française sans l'intervention d'aucun soviet''

Le 11 avril 1918, un an après la terrible offensive Nivelle, le décret portant création de la Légion russe paraît au journal officiel : le gouvernement français, qui ne reconnaît pas "les prétendus gouvernements russes qui viennent de traiter avec les puissances centrales", ni la paix conclue à Brest-Litovsk s'estime "en droit d'autoriser les nationaux russes qui désirent continuer à servir la cause commune des puissances de l'Entente, à combattre à côté des soldats de ces puissances".

C'est revêtus de la tenue des troupes d'Afrique, avec un brassard aux couleurs tricolores russes, que les Légionnaires russes allaient, selon "toutes les exigences du droit" et conformément à la discipline française, combattre, tuer et mourir de nouveau sur le front occidental.

"Il paraît opportun de développer la création des unités de la Légion russe que vous avez entreprise, en s'entourant de toutes les garanties nécessaires pour éviter d'incorporer des éléments bolcheviks (...). Avec ses antécédents, Serge devait se sentir très mal.

La "Légion des volontaires russes" a été constituée par l'assemblage d'éléments isolés issus de la 1ère Division russe, de Salonique et de groupes de prisonniers de guerre évadés d'Allemagne.

Au fil des mois et des combats meurtriers auxquels cette Légion participe, le nombre de soldats provenant des 1ère et 3ème brigades se réduit à une poignée d'hommes.

Les premières compagnies furent formées au camp du Coumeau en décembre 1917. Ce contingent, d'un peu plus de 250 soldats, placé sous le commandement du colonel Gotua, est devenu par la suite le "1er bataillon" de la Légion.

Au cours des semaines suivantes, deux autres bataillons ont pu être réunis à Laval, un sous le commandement du colonel Yeske et l'autre sous celui du colonel Simenov. Le colonel Balbachevski, retiré de Salonique, débarque en France à la même date avec un bataillon de plus de 500 hommes recrutés dans la 2ème Division.

Au total, ces quatre unités sont fortes de plus de 1600 soldats et d'une cinquantaine d'officiers. Ce chiffre est assez encourageant, voire inespéré, pour les autorités.

Mais après les premiers combats de la Somme et du Soissonnais, celles-ci doivent se rendre à l'évidence : parmi ces hommes bien peu en réalité sont disposés à mourir pour les intérêts de leurs officiers ou de la France.

Pour éviter une crise ouverte, le 11 juin 1918, le commandement est même contraint de demander à tous les Russes de signer un nouveau contrat d'engagement. Un peu plus de deux cents acceptent, soit à peine 14% de l'effectif total ! Le bataillon Balbachevski, dont on espérait en haut lieu qu'il avait été préservé de la gangrène révolutionnaire en Orient, connaît la même chute brutale puisque sur ses 723 soldats, seuls 112 hommes décident de rester dans les rangs de la Légion ! Cet effondrement brutal s'explique principalement par les conditions initiales dans lesquelles les hommes avaient été incorporés dans les unités combattantes.

La réorganisation de la Légion pendant l'été 1918 met provisoirement un terme aux mouvements collectifs dans la troupe, mais le commandement français conserve, y compris après la signature de l'Arrnistice, une profonde méfiance pour ces unités.

Ce qui a fait peur à Serge ?

Le printemps 1919 confirme ses pires craintes. A la mi-avril, les autorités de la VIIème Région où stationnent les troupes s'inquiètent brusquement des risques d'une manifestation à l'occasion du 1er mai. Le commandant du centre d'instruction de Chaussin a informé ses supérieurs de l'agitation montante et de la propagande organisée auprès des Légionnaires. Certains "meneurs" leur auraient tenu les propos suivants :"La révolution va éclater en France pour le 1er mai, date irrévocable, profitez-en !".

L'état-major de la 7ème Région estime que les deux tiers de ces détachements sont susceptibles de se "laisser entraîner par les meneurs". "Un tiers seulement, appartenant pour la plupart à des familles d'officiers ou à des familles bourgeoises de Russie, précise un officier français, nous prêteraient la main pour rétablir l'ordre ".

"Camarades, après quatre années de guerre, de souffrances et de misères de toutes sortes on veut encore vous demander un sacrifice, c'est celui de vous envoyer à Salonique dit-on, (...).

Pour les seuls trois premiers mois de l'année 1918, les services de la base de Laval comptabilisent 473 désertions. Ceux qui ont atteint le territoire suisse sont réunis dans une caserne prés de Lausanne (ensuite ces désertions vont diminuer, du fait de la répression).

Hormis l'ascension du soldat Malinovski, promu quarante années plus tard ministre de la Défense de l'U.R.S.S., la destinée des principaux personnages du corps expéditionnaire et de tous les anonymes se fond et disparaît dans l'histoire de l'Union Soviétique.

Selon un membre de la Société des anciens soldats russes en France et aux Balkans, Baltaïs serait devenu membre du Parti Communiste à son retour et aurait effectué des missions clandestines en Lettonie.

Mais nous ne disposons encore que de données dérisoires qui, par leur faiblesse même, témoignent du caractère exemplaire de l'histoire des brigades russes en France. Car celle-ci n'était qu'un fragment éclatant d'un tableau peint aux couleurs de la guerre, de la Russie et de la Révolution.

Qu'à fait Serge entre mai 1917 et mars 1918 ? Il appelle son régiment « la légion ». Comment Serge a-t-il pu y être incorporé et quel est le nom exact du régiment ?

La rencontre

En 1917/18 (?), suite au partage d'un héritage, Clémentine Garreau, veuve Lefèvre et mère de Marthe achète un petit café sur une place du marché, à Laval, 2 rue St André. Dans la lettre déjà citée, du 23 mars 1918, Marthe écrit « Ayant lu depuis quelques temps vos livres Scientiste Chrétien que vous et Mr Kemaletdinoff m'avait donné ». Clémentine et Marthe, qui se trouvaient dans un assez grand désarroi spirituel « Par hasard Mr Kemaletdinoff est venu dans notre café tout-de-suite nous avons été Maman et moi étonné de sa conversation et de ses idées semblable au notre ». A cette date, ce jeune soldat dont elle dit par ailleurs qu'il venait tous les soirs boire un café avait donc trouvé une place dans cette famille.

A quelle date exactement a été acheté le café de la rue St André? A quelle date a-t-il été revendu? Serge a-t-il été locataire ou logeait-il à la caserne? Où se trouvait la caserne de la Légion Russe?